Tchou Tchou, Witches. || Ft. Milo

On pourrait croire que tout ce processus serait quelque chose de simple et déjà vu depuis le temps... Et ça l'est un peu. Je me souviens, lors de ma toute première rentrée à Poudlard, j'étais intenable. Une véritable boule d'énergie. Les nerfs, le stress et l'excitation. La hantise, aussi, de débarquer dans cet endroit inconnu, sans mon frère pour me guider. Ça en avait rendu certain silencieux et refermés sur eux-mêmes... Pas moi. Et maintenant? Maintenant je ronfle.

Bon, non. Je ne ronfle pas. En revanche, je sais que j'ai une respiration plutôt forte lorsque je dors. Le train qui vibre, le wagon qui bouge ou la son de la locomotive un peu plus avant... Même les voix des plus jeunes ne m'empêchent plus vraiment de pioncer. Il faut dire que je m'endors n'importe où, alors ça ne devrait plus surprendre personne. En montant dans le train, je me suis installé-là, un livre à la main. J'ai lu une bonne heure avant de sombrer.

Beaucoup disent que lorsque l'on stimule son imaginaire avant de dormir, on rêve de ces choses-là... Pas moi. Pas là. J'aurais préféré. Les ombres qui avancent et ce brouillard étouffant qui m'enseveli. Des arbres hauts, une nuit noire aux épais nuages. L'herbe est humide, mes pieds nus la sentent. Face à moi, un immense rocher se dresse, mais les ombres se meuvent. Je fais un pas en avant. Mes mains tremblent. Le sang refluent vers mes jambes. Un autre pas, le rocher vibre, des lignes lumineuses s'y tracent. Ma main se tend vers la paroi de pierre, mais les ombres m'atteignent et me mordent.

Je bondis littéralement sur mon siège, poussant un cri grave en sortant ma baguette dans un réflexe défensif. Le train. La cabine. Le paysage écossais qui défile à l'extérieur et le bruit du chariot de friandise qui ne tardera pas à arriver. Je me laisse retomber sur le siège dans un soupire. Je suis en sécurité. - Bordel...

On aurait pu croire que les années auraient atténué son excitation à l'idée de retourner à Poudlard. Il n'en était rien. C'est avec la même impatience fébrile qu'il avait préparé sa malle, à laquelle il avait dû jeter quelques charmes afin qu'elle soit en capacité de contenir toutes ses affaires, et qu'il avait rejoint la voie 9 3/4 en transplanant, le sourire aux lèvres à l'idée de reprendre sous peu sa vie au château. L'année passé l'avait vu déménager de la salle commune dans les cachots à celle du pont de l'aile ouest, destinée aux étudiants adultes, et ce changement lui avait donné une impression de renouveau tout à fait bienvenue.

Pour l'heure, il était assis dans le Poudlard Express, les highlands écossais défilant derrière la vitre, Jacob assoupis face à lui, la Gazette du Sorcier dépliée sur ses genoux. Il lisait distraitement un article sur les derniers amendements effectués par le Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, jetant de  fréquents coup d’œil au dehors pour retrouver les quelques point de repère qu'il avait su établir au fil des années, lui permettant de repérer leur position relative par rapport à leur destination. Ils arrivaient aux vieux dolmen à flanc de Colline lorsque le Gryffondor en face de lui se réveilla dans un cri, accompagné d'un sursaut qui s'avéra contagieux. Le journal tomba mollement au sol dans un bruit de papier.

- Bordel...

Milo se pencha pour ramasser la Gazette, laissant planer un moment de silence sur le compartiment, avant de relever le regard vers son vis-à-vis, tâchant de neutraliser son froncement de sourcil pour garder un visage relativement neutre.

Mauvais présage ?..

Manière détournée de demander si ça allait. Jacob le connaissait, il aurait compris le message. Il détourna le visage de celui-ci alors que le chariot ambulant s'arrêtait devant leur portes, laissant au gryffondor le temps de rassembler ses esprits. Quelques mornilles furent échangé contre des patacitrouilles, et la sorcière au chariot continua son chemin. Milo fit un geste de sa baguette vers la porte du compartiment, et celle-ci se referma avec un chuintement feutré, leur offrant un peu plus de calme.

T'as vu un truc en particulier ?..

Il tendit l'une des deux confiseries à Jacob, l'invitant à se servir. Le sucre pouvait être un remède à bien des maux...

Mauvais présage ?.. - Mon regard posé sur lui ne souffre aucun doute. Il n'est pas noir, seulement encore nerveux et figé par le sommeil. - Comme souvent. - Je ne dis pas toujours, même si je l'ai pensé très fort. Il faut dire que de mes visions n'en ressortent en général qu'ombres et terreurs, alors il est difficile d'y trouver le moindre bon côté.

Profitant qu'il se lève pour aller se délester de quelques pièces, je souffle un coup et glisse mes mains sur mon visage. Le souffle sonore de la locomotive teinte à mes oreilles. Une migraine qui ne va certainement pas tarder à rugir dans mon crâne malmené.

T'as vu un truc en particulier ?.. - Lance Milo. Je lève la tête vers lui pour découvrir la patacitrouille qu'il me tend, m'en saisissant dans un léger soupir. - Thanks, mate. - Je mords dans la confiserie, espérant qu'un peu de sucre repoussera la migraine à venir au moins jusqu'à arriver au château. Je n'ai rien à portée de main pour la calmer, mais là-bas je pourrais toujours faire un tour à l'infirmerie. - Et non. Comme d'habitude. Ce truc existe pour me faire flipper, c'est tout. - Lâché-je en m'affalant sur le fauteuil.

Nous sommes loin d'être prêts, encore dans nos tenues moldues, portées pour passer inaperçu à la gare. Enfin, pour Milo il n'y a rien de différent de tous les jours. Moi en revanche, je suis plus habitué aux tissus sorciers qu'aux jeans qui serrent mes cuisses. Pas que je n'apprécie pas ce style, cela dit. Je m'y essaye de plus en plus souvent à vrai dire. - Une foret plongée dans la nuit, un rocher avec des lignes lumineuses. Des ombres qui mordent... - Listé-je en tentant de m'en distancer. Je prends une nouvelle bouchée, entamant un peu plus la confiserie qui n'est malheureusement pas si grande. - C'est probablement rien de sensé. Juste une façon de m'empêcher de dormir en paix. - Un regard sur les sièges et je fronce les sourcils. - Où est... Ah. - Mon furet, étalé de tout son long sur le filet à bagage au-dessus de ma tête. - Au moins un qui arrive à dormir.

- Thanks, mate.

Don't mention it.

Il écouta Jacob lui expliquer sa vision, tout en mordant dans sa propre patacitrouille. Forêt, rocher, ligne lumineuses et ombres mordantes... Il prit un instant pour réfléchir à une symbolique éventuelle, mais ne trouva rien de satisfaisant. La divination était loin d'être son fort, et il ignorait même si de telles vision devaient être prises littéralement, ou s'il valait mieux les interpréter comme des allégories d'événements à venir.

Espérons que ce ne soit rien...

Il suivi le regard de Jacob, et releva la tête vers le furet assoupis, un sourire amusé venant étirer son visage.

Au moins il est calme, j'ai jamais réussi à faire rentrer Nessa dans sa cage avant de partir, j'ai du la laisser s'envoler hier soir pour pas attirer l'attention des voisins... Je suppose qu'elle rejoindra directement la volière, c'est pas la première fois qu'elle fait le coup.

La petite chouette hulotte qu'il avait adopté en première année était plutôt douce de caractère, mais dès qu'il s'agissait de la mettre en cage... C'était une autre paire de manches.

Un nouveau sifflement du train le tira de ses pensées, et il jeta un œil au dehors. Le ciel avait commencé à s'assombrir, le soleil disparaissant peu à peu derrière les collines environnantes, sans oublier les nuages, qui ne cessaient de se multiplier depuis leur départ de Londres, ne laissant que quelques bandes de ciel bleu apparaître entre leurs formes grises et arrondies.

Faudra peut être qu'on pense à se changer  un jour, si on veut pas se retrouver à faire ça à la dernière minute...

Joignant le geste à la parole, il descendit sa valise du filet à bagage en prenant garde de ne pas en réveiller l'occupant, dans l'idée d'en tirer son uniforme.

Espérons que ce ne soit rien... - Si seulement... Mes visions n'ont jamais été bien prophétique. Pas à ce point. Certes j'ai déjà anticipé un repas ou une conversation, mais tout le reste... Ce don est un plaie car on ne sait jamais ce qu'on voit, mais surtout, on ne sait pas la chronologie des choses. Ce rocher peut-être une image du passé. Les lignes auraient pu s'illuminer il y a des siècles. Ou peut-être que rien ne se passera avant des années. Tout ce que je peux faire est ce que je suis en train de faire pendant que Milo parle de sa chouette: attraper mon carnet de dessin.

Elle a l'habitude, t'inquiètes. - Coinçant la patacitrouille entre mes dents, j'ouvre le carnet à une page vierge et tire le crayon coincé dans un anneau de cuir. Machinalement, je commence à dessiner les silhouettes de quelques arbres, commençant parles bordures de la page. Comme ma vision. J'avançais vers le rocher. Alors le dessin avancerait vers lui aussi. - Faudra peut être qu'on pense à se changer  un jour, si on veut pas se retrouver à faire ça à la dernière minute... - Hmm... - Fais-je, distrait, mon attention pleinement accaparée par les coups de crayon.

Le dessin est plutôt schématique. J'essaye d'y caser tous les détails dont je me souviens, mais comme souvent, le souvenir que j'en ai deviens rapidement vague. Assombrissant la végétation, je passe au centre de la page et détoure la forme du rocher. - Hein? - Milo est déjà en train de sortir son uniforme de sa valise et je comprends ce qu'il fait. - Ah, ouais. - Posant mon regard sur la nuque du Serpentard, j'affiche un légère sourire. - Tu dis ça parce que l'an dernier on a attendu le dernier moment et que tu t'es fais reluquer par ce Poufsouffle? - Si j'arrive à le faire rougir: 50 points. Le jaune en question n'avait pas eu la moindre gêne, là où Milo, sans surprise, aurait certainement voulu disparaitre dans le siège.

Satisfait de ma connerie, je le laisse poursuivre et dessine les lignes supposées lumineuses, une large spirale au cœur du rocher. - Hun... Bizarre. - Dis-je en levant les yeux vers Milo, qui a déjà commencé à se déshabiller. - Pas toi. Le rocher. On dirait une spirale celtique. Regardes. - Lui dis-je en tournant le dessin dans sa direction. Le rocher en lui-même n'a rien d'un menhir ou d'un dolmen, mais après tout pourquoi pas.

Ledit poufsouffle s'appelait Nigel, et Milo préférait ne pas y penser. La remarque de Jacob lui fit monter le rouge aux joues, et il se contenta de jeter un regard glacé à celui-ci, tout en continuant de sortir ce dont il avait besoin de sa valise.

- Je vois pas de quoi tu parles.

T-Shirt, hoodie et jeans furent rapidement remplacé par une chemise blanche, un pantalon noir et la traditionnelle robe qui constituaient leur uniforme. La cravate aux couleurs de Serpentard quand à elle vint se nouer d'elle même autour de son cou dans un mouvement fluide, lui tirant un sourire satisfait. Il était plutôt fier de l'enchantement, qu'il avait mis un certain temps à perfectionner, et qui lui évitait d'avoir à se mettre face à un miroir pour lui même faire le nœud, pour qu'au final celui-ci soit souvent approximatif et qu'il lui faille recommencer...

Un fois changé, il en revint au Gryffondor et à son dessin, jetant un coup d’œil au tracé des arbres, de la pierre, et de la spirale en son centre. L'ensemble était un peu brouillon, mais il se dégageait quand même un certain style des coups de crayon,

- Une spirale ? Ca pourrait être... Un symbole de recommencement ?.. Un truc qui s'est déjà passé ?

Un grimace embarrassée vint légèrement déformer son visage.

- J'ai jamais été particulièrement doué pour ce genre de déchiffrage. Ca pourrait être complètement autre chose... Ou même pas une métaphore, juste... Un rocher qui existe vraiment ?.. J'en sais trop rien. T'as une idée ?

Une spirale ? Ça pourrait être... Un symbole de recommencement ?.. Un truc qui s'est déjà passé ? - Je hausse les épaules en reprenant mon dessin pour l'observer à nouveau. Possible. Même sans savoir ce que cette spirale spécifique représente, le symbole de la spirale appelle généralement à ce qui passe. Au renouveau. Pas à l'infini, ce serait plutôt une boucle fermée.

J'ai jamais été particulièrement doué pour ce genre de déchiffrage. Ça pourrait être complètement autre chose... Ou même pas une métaphore, juste... Un rocher qui existe vraiment ?.. J'en sais trop rien. T'as une idée ? - Ça pourrait être n'importe quoi. - Lâché-je dans un soupir agacé tout en posant le carnet et le crayon sur une petite tablette. - Un rocher littéral, une métaphore, rien du tout... - Poursuis-je en virant mes chaussures. - J'irais en parler à Trelawney. Elle aura peut-être une idée. Quoi que la connaissant, elle va surement me dire la même chose. - Ou m'annoncer ma mort imminente, comme régulièrement.

Les chaussures poussées sur le côté, je vire mon pull en me levant. - Elle aura peut-être connaissance d'une signification spéciale, ou quelque chose... - Tendant les bras, j'attrape ma valise et la fait tomber sur mon siège, réveillant Brutus dans la foulée qui s'étire. Abandonnant mes réflexions à leur inconnue, j'extirpe mon uniforme de ma valise pendant que Brutus vient se rouler en boule dans mon pull. De la même façon que Milo, mes vêtements moldus laissent place à une tenue bien plus formelle et quoi que je ne sois pas pudique, et encore moins gêné par la présence du brun, je jette malgré tout quelques regards vers les stores fermés de la porte de la cabine. Par réflexe.

Pantalon noir, chemise blanche et chaussettes grises, je laisse malgré tout la robe noire pliée sur le côté, la cravate rouge et or roulée dessus. Je déteste porter cette cravate et j'ai trop chaud pour enfiler la robe aussi tôt. Je ne ferme d'ailleurs ma chemise que de quelques boutons avant de me rasseoir pour.. ne pas mettre mes chaussures tout de suite. J'ai largement le temps pour ça, et je suis bien plus à l'aise ainsi. Celui que ça dérange peut bien aller se jeter dans le lac noir.

Bon, et sinon? - Finis-je par dire une fois installé. - J'ai dormis jusque là, mais t'as passé un bon été? Prêt pour cette nouvelle année? - S'il est aussi prêt que moi, ça va être drôle d'ailleurs. L'improvisation, c'est bien aussi. Non?

- J'irais en parler à Trelawney. Elle aura peut-être une idée. Quoi que la connaissant, elle va surement me dire la même chose.

Un petit rire échappa à Milo alors qu'il se rasseyait, après avoir rangé ses vêtements dans sa valise et remis celle-ci dans le filet.

- Quoi, que toi ou un de tes proches court un danger de mort ?  Tu pourrais avoir rêvé d'une licorne arc-en-ciel qu'elle y trouverait quand même une signification funeste...

Il reporta son attention au dehors pendant que Jacob se changeait, observant les derniers rayons du soleil disparaître derrières les quelques arbres qui parsemaient le paysage environnant.

- Elle aura peut-être connaissance d'une signification spéciale, ou quelque chose...

- L'espoir fait vivre.

Non pas qu'il ait quelque chose contre Trelawney, elle lui était même plutôt sympathique, et probablement même une bonne voyante à ses heures. Mais concernant l'enseignement de la divination...

- Bon, et sinon ? J'ai dormis jusque là, mais t'as passé un bon été? Prêt pour cette nouvelle année ?

Quittant sa contemplation de l'extérieur, son regard se reporta brièvement sur Brutus, enroulé dans le pull de Jacob, avant de revenir à l'autre sorcier.

- Pas trop mal ouais, j'ai moins aidé mes parents à la librairie que d'habitude, ça m'a donné plus de temps pour gérer mes révisions et mon entrainement. Du coup je suis plutôt paré pour cette année, ça devrait aller. Et sinon je me suis payé une semaine de stage intensif dans un club de duel à Dublin avec mes économies. C'était... Intéressant.

Les cours à Poudlard étaient une chose, mais avoir l'occasion de tester sa technique face à des duellistes professionnels avait été particulièrement formateur. Sans compter l'adrénaline et le challenge générés par les duels, il adorait ce genre de situations...

- Et toi ?

Du moment que t'en a eu pour ton argent, c'est toujours ça de pris. - Avais-je lâché au sujet du club de duellistes. Il faut dire que vu ses plans d'avenir, ce genre d'expérience n'est pas à laisser de côté, et l'argent placé dedans est un investissement. Un investissement qui devra payer, le moment venu. - Et toi ? - Oh, tu sais, pas grand chose. - C'est pas comme si on avait beaucoup l'occasion de "partir en vacances".

Mon frère a vendu un nouveau sortilège au ministère, ça a un peu renfloué les caisses. - Et puis, même si on avait les moyens, il aurait toujours du boulot en attente. Notre petite famille n'a jamais été caractérisée par ses voyages, ça c'est certain. Je crois bien que les seuls que nous ayons jamais fais sont lorsqu'il devait "livrer" une création à un client et que j'y allais avec lui. Le plus loin que nous ayons été étant l'Islande. Jolis paysages.

Mais sinon, j'ai un peu bossé sur le Chemin de Traverse pour me faire quelques galions. Et le temps que j'avais de libre... Well, mon frère a toujours besoin d'aide. - Ajouté-je en haussant les épaules. Certes j'aime mon frère, et j'aime bien participer à ses créations, mais j'aime aussi dormir. Et faire la grasse-matinée. Et juste respirer un peu, pendant mes vacances. Enfin, pour un étudiant en sortilèges, participer à leur invention est assez intéressant en terme d'expérience. Ça aide à avoir une approche un peu plus précise et viscérale de la chose. Je sais mieux lancer un sortilège parce que j'arrive à déceler comment il a été conçu. C'est comme les moteurs des voitures moldus: on s'en sert mieux quand on sait comment elles fonctionnent.

Je voulais revoir le programme de l'an dernier avant la rentrée, pour pas arriver en touriste, mais... - Je ne finis pas cette phrase. À l'évidence, je n'ai rien revu du tout. - On verra bien comment ça se passera. - Et pendant ce temps, à l'extérieur, le ciel s'assombrit. Le monde se grise et un nouveau sifflement du train vient se joindre au passage  enjoué de quelques jeunes années dans le couloir. - Quand la nuit tombe... - Dis-je à mi-voix, posant les yeux sur Milo. - Pardon. C'un truc que je me dis à chaque fois depuis ma seconde année. Quand la nuit tombe, on est plus bien loin d'arriver.

Les vacances de Jacob, si tant est qu'on puisse les qualifier de telles, avaient l'air bien moins passionnante que celle que Milo avait pu passer. Mais s'il se sentit un peu mal d'avoir pu profiter de son temps libre pendant que son ami trimait, il n'en laissa rien paraître.

- Tu seras pas le premier à pas prendre le temps de réviser pendant les vacances d'été, ça veut pas dire que tu t'en sortiras pas.

Il haussa les épaules d'un air désinvolte, avant de se saisir du patacitrouille encore entier qu'il avait posé sur son journal, et de croquer dedans. Le dîner dans la grande salle était encore loin, autant ne pas mourir de faim en attendant.

- Quand la nuit tombe...

Il haussa un sourcil interrogatif vers le Gryffondor.

- Pardon. C'un truc que je me dis à chaque fois depuis ma seconde année. Quand la nuit tombe, on est plus bien loin d'arriver.

Son air inquisiteur se mua en expression satisfaite. S'il ne l'avait jamais vraiment formulé, il ressentait à peu près la même chose. La nuit annonçait l'arrivée à Poudlard, et tout la magie qui l'accompagnait, que ce soit au sens propre, ou de manière plus imagée, en pensant à l'atmosphère particulière qui entourait le lieu.

- Toujours un plaisir de revenir ici...

Il se revoyait huit ans auparavant, le cœur prêt à exploser de joie à l'idée de faire partie de ce monde, de découvrir tous les secret qu'une école de magie avait à lui offrir. Sa joie n'avait fait que décupler lorsque le château s'était offert à sa vue après qu'il soit sorti du train...

- Je crois que je m'en lasserai jamais.

La locomotive émit un long sifflement, et dehors, le paysage se mit à défiler plus lentement. Ils n'étaient pas encore arrivés, ma il ne s'agissait plus que d'une dizaine de minutes avant que le train ne s'immobilise complètement en gare de Pré-au-Lard.

Toujours un plaisir de revenir ici... - J'acquiesce. - Je crois que je m'en lasserai jamais. - Non, moi non plus. - Dis-je d'un air pensif, le regard dehors, le dernier bout de patacitrouille entre les doigts. - J'ai hâte de finir les études, mais j'ai pas hâte de quitter Poudlard. - Un sourire passe sur mes lèvres. - Enfin, d'ici là, j'aurais peut-être pas besoin. - Vu mes plans d'avenir, je m'imagine déjà arpenter les murs de pierre de l'école pour des années et encore des années. - J'pousserai Flitwick dans les escaliers. - Ajouté-je d'un air confiant.

Non, c'est pas vrai. Je l'aime bien Fillius. Et puis, vu le temps que l'on passe ensemble, pour les cours et autre, ce serait étrange. Je me demande si Granger est jalouse que je passe tant de temps avec le directeur des Serdaigle. Ce serait comique.

La patacitrouille atterrie dans ma bouche, plus lancée que simplement guidée-là. J'aurais peut-être dû la faire durer. Le repas est encore loin. Nous sommes certes à quelques dizaines de minutes du terminus, mais il nous faut encore faire la route de la gare au château. Les petits dans les barques, nous dans les calèches. Un processus habituel, presque rituel. Rassurant, d'une certaine manière. Nous retournons à Poudlard, alors tout va bien. Du moment que mes visions restent des visions. C'est pas comme si cette spirale étrange c'était ancrée dans mon regard au point que je la vois partout. Pas du tout.

Heureusement pour ma petite tête, la spirale s'est doucement estompée. Le temps d'arriver à la Grande Salle, elle n'était plus qu'un mauvais souvenir et j'ai pu manger en paix. Milo et moi avant été séparés en arrivant, chacun sa table, mais nous nous sommes donnés rendez-vous après le repas. Pour ma part, j'ai mangé avec quelques autres Gryffondor, notamment une jeune seconde année, fan de Quidditch, qui avait appris que j'avais joué pour notre maison. Jamais été fan des fans, mais discuter Quidditch est toujours un plaisir. Elle se voit déjà attrapeuse. Je le lui souhaite.

Le ventre plein, la socialisation faite et une petite conversation avec Flitwick plus tard, me voilà qui sort de la Grande salle et me dirige tranquillement vers l'aile ouest. Et son pont. Les mains fourrées dans les poches, appréciant cette petite marche dans les couloirs de l'école. Nos valises ont été montées dans les dortoirs, ça n'a pas changé malgré l'âge. - Alors? Bien mangé? - Lancé-je à Milo qui m'attendais sur le pont. Bien sûr qu'il est déjà là. Solitaire comme il est, il a dû gagner du temps sur mes conversations avec les autres.

La nuit est agréable. Fraîche, mais pas si froide. Pas encore, mais ça viendra. Cela dit, je n'aurais pas envie de dormir là. L'avantage de nos anciennes salles communes, c'est qu'elles se trouvent à l'intérieur du château. Avec celles-ci, le pont est à l'extérieur, ouvert sur le parc et le paysage. Il nous faut subir la fraîcheur nocturne avant de profiter de la chaleur de nos quartiers. Ça tiens en forme, je suppose. - On monte? - C'était le plan, en tout cas.

Machinalement, je sors ma baguette et l'agite dans sa direction. Aussitôt, les couleurs de sa robe change. Le noir demeure, mais le vert et l'argent laissent placent au rouge et or des Lions. Quand Flitwick m'a appris comment ils accordaient les blasons aux maisons décidées par le Choixpeau... je savais que ça me serait utile. Mes compatriotes ont l'habitude de le voir avec nous là-haut, mais autant ne pas attirer l'attention outre mesure. - Oh, et alors! Le tournois! T'as entendu?