Running across the city. || Ft. T0-8Y

I don't think it can help. I'll have to copy some of the files on a replacement chip though, I'm missing some code up here... - Hmm... - Fais-je tout en gardant le visage trop proche du verre fumant. Inhalation au zaphik. Une bonne façon de se réveiller quand on a la langue sensible. - Maybe you can hack into it and see what the hell is going on with it. - Avais-je suggéré en passant. Pas de réponse. Je n'en attendais pas vraiment de toute façon. Si j'avais eu les compétences, j'aurais probablement proposé d'essayer, mais tout ce que je peux offrir est cette suggestion. Certes, je connais quelqu'un qui pourrait, mais je doute que T0 fasse confiance à un inconnu s'il a le choix. Pire, je ne tiens pas à ce qu'il l'abatte, comme pour Se'tev kal. - Be right back.

Un regard lorsqu'il pivote. Pupille violette. Je fronce les sourcils. Nouveau? Non, je l'ai entrevu lorsque nous étions dans la chambre. De là à en comprendre la signification... Il dépose son verre sur la table et disparaît derrière la porte de la chambre. Il l'a tout juste touché. Il ne l'aurait pas prise si c'était mauvais pour lui, alors je suis sauf de ce côté-ci. Inconfort? Vessie pleine? Soit, peut-être, mais de là où lui conférer une couleur de pupille? Un peu abusé. Mon regard dérive vers l'extérieur avec une certaine lenteur. Pourquoi lui donner un code couleur pour son état d'esprit s'il n'est pas supposé avoir d'état d'esprit? Mes sourcils se froncent à nouveau. Je bois une gorge. - Bordel! - Cramé, encore.

Perdu dans mes pensées, je me laisse tomber sur la banquette du jardin d'hiver et sens les rayons solaires frapper mon dos posé contre la vitre. Avachi, jambes écartées, le verre entre mes mains continue de fumer. Abandonnant le liquide brûlant, je matérialise la carte holographique et étudie notre environnement immédiat. Pour m'occuper. Le point de livraison est à quelques rues d'ici. Une quinzaine de minutes de marche. Une boutique de tissu synthétique que mon navigateur m'indique fermée pour quelques jours. Bizarrement depuis notre départ. Probablement une façon d'éviter le moindre gêneur durant la livraison.

Une dizaine de minutes s'écoulent avant que T0 ne ressorte de la salle de bain. Ses yeux sont nuancés de violet et de rouge et je fronce les sourcils en les remarquant. La carte holographique disparaît. Je me redresse tout en ramassant mon verre. - Are you ok? - Pisser l'a mis en rogne? Comment ça a pu arriver? La tuyauterie fonctionne pourtant très bien.

Un revers rageur de la main vint effacer le sillon de la goutte d'eau, qui fut interceptée avant d'avoir pu atteindre l'angle de sa mâchoire. Ses mains rejoignirent le bord du lavabo, et ses doigts se serrèrent sur la faience, dans une tentative de reprendre le contrôle de son propre corps.

Il ne relâcha sa prise que lorsqu'il sentit l'émail prêt à céder sous sa poigne, reculant alors d'un pas, et venant passer ses deux mains sur son visage, puis dans ses cheveux courts et le long de sa nuque, avant de les laisser retomber inertes, le long de son corps, tremblantes. La frustration de ne pas comprendre tout ce qui lui arrivait commençait à prendre le pas sur tout le reste, il fallait qu'il se contrôle, sans quoi, il pouvait dire adieu à son idée d'éviter le reboot, qui serait fait manuellement, maintenant qu'il s'était débarrassé du programme censé le faire spontanément. Jetant un dernier regard à son reflet dans la glace, il quitta la petite salle de bain et rejoignit Darren dans la pièce principale.

- Are you ok?

Il se dirigea vers la table où traînait encore son verre, et ses doigts se refermèrent sur celui-ci, portant à sa bouche la boisson qu'il descendit d'une traite.

- I'll be fine.

Il reposa le récipient sur la table et resta un instant immobile, tâchant de faire taire la frustration et la fatigue qui bouillonaient en lui en un mélange désagréable. Sans grand succès.

- We should get going soon. Tell me when you're ready.

I'll be fine. - Sourcils toujours froncés, je l'observe avaler d'une traite le verre de zaphik qu'il avait laissé en partant. Dehors, un drone de livraison passe en laissant son familier bourdonnement faire vibrer mes tympans. - We should get going soon. Tell me when you're ready. - Sure. - D'un bond ankylosée, je me remets sur mes pieds et bois le zaphik à petite gorgée avant de poser le verre sur la table. Loin de moi l'idée de pousser plus loin. Si la nuit dernière m'a été d'une quelconque leçon, c'est qu'il ne sert à rien de forcer les choses. J'ai aussi appris qu'il y a plus sous cette carcasse électronique que les quelques circuits imprimés le suggèrent, mais pour sa sécurité, mieux vaux laisser ça tranquille également.

Laissant donc l'infusion refroidir encore un peu, j'en profite pour replacer la bâche de plastique sur le lit encore fait et revient côté cuisine. J'achève mon Zaphik, ce qu'il en restant, et lave les deux verres avant de les sécher et les remettre dans leur placard. Une seconde bâche, bien plus petite, revient couvrir la machine. Enfin, j'attrape mon sac toujours sur la table et l'enfile. - We're not far. Fifteen minutes top. - Mon regard balaye alors la pièce, trouve la lucarne et un petit pincement saisit mes entrailles. Je n'aime pas quitter cet endroit. En fait, je déteste ça. Malheureusement, je n'ai pas le choix. - Follow my lead. - Lui dis-je avant de lui montrer comment sortir. Depuis la table, je prends un peu d'élan et me met à courir. Un appel du pied sur la banquette et je me propulse en l'air, m'agrippant à la lucarne ouverte avant de me hisser à l'extérieur. Structure en métal alien et vitre transparente synthétique. Ce jardin d'hiver est particulièrement solide, aucun risque qu'il ne s'écroule sous notre poids.

Le retour sur le toit n'est donc pas bien difficile et une fois en place, je lui montre notre trajet sur la carte holographique. - It's pretty much right ahead. - Lui ai-je dis avant de démarrer. À cette distance et dans ces conditions, rester sur les toits devient aussi inutile que peu pratique, alors dés que je vois une issue, je descends à niveau de rue. Nous nous fondons dans la masse et je garde une main sur mon abdomen, même si je suis conscient qu'il est impossible d'accéder à la poche camouflée ainsi. Au final, faire ce trajet parmi la foule nous fait perdre cinq minutes sur mon estimation, mais ça n'a aucune importance. La porte finale, alors, se retrouve juste en face de nous.

Porte coulissante automatique noire et usée, T0 y donne trois coups avant qu'elle ne s'ouvre. Nous sommes accueillis par deux montagnes de muscles, non humaines, qui nous inspectent avant de nous guider un peu plus en profondeur dans les locaux. Nous passons quelques bureaux et ateliers de confection avant d'attendre un bureau plus large. Celui du manager? Aucune importance. Il est le destinataire, T0 le confirme. Alors je lui confis le colis. Comme toujours, un énorme poids s'envole de mes épaules. Un soulagement intense qui vient se coupler d'une certaine excitation face à mon paiement. Le destinataire entre une série de chiffre dans un petit boitier que je lui tends. Un ordre numérique envoyé au client, le Kan'Rah, pour confirmer la livraison. Un ordre qui fait également preuve de validation pour le virement de mes crédits. Je récupère le boitier. Le processus est en attente. Deux secondes passent et un message de confirmation apparaît. Le déplacement financier a été validé. Me voilà un peu plus riche que deux minutes avant.

Du reste, l'entretient n'a pas duré plus longtemps. La livraison effectuée, nous avons été reconduis à l'extérieur et la porte s'est refermée dans notre dos. À ce moment-là, notre collaboration a cessé. Point de rupture d'une escorte dont, au final, j'ai eu besoin. En aurais-je eu besoin s'il n'avait pas été là? Aucune idée. Seule le Kan sait. Une chose est sûre, à partir du moment où nous sommes entrés, T0 s'est montré distant et froid. Une façade, peut-être, mais notre séparation n'a fait que suivre ce même schéma. S'il doit tromper ses employeurs, il vaut peut-être mieux qu'il déploie cette façade. Peut-être que je ne saurais jamais ce qu'il adviendra de lui. Peut-être que je le verrais un jour, et qu'il ne se souviendra plus de moi. Peut-être qu'il viendra m'éliminer dans mon sommeil, et je n'en aurais pas besoin. Allez savoir. Une chose est sûre, lorsqu'il a tourné les talons pour partir de son côté, j'ai pris un instant pour le regard marcher avant de partir du mien. D'autres choses à faire. D'autres livraisons à transmettre. Certainement un paquet de verres à boire au bar du coin. Journées intenses demandent gueule de bois justifiée. Et dormir. Beaucoup. Je veux mon lit.