[Arène - Thermes] No time to lie

Tu savais pas trop à quoi t'attendre en te connectant à ce jeu. On t'avait vendu du plaisir à plus quoi savoir quoi en faire, un environnement dépaysant et aucune prise de tête. Ils avaient eu raison, même si t'avais bien eu du mal à t'habituer à la toge. Ou la tunique. Peu importait comment on appelait cet habit antique. T'y connais rien, et tu t'en fous.

T'es là avant tout pour t'amuser. Tu te pencheras sur les énigmes un jour, tu le savais, mais pour le moment tu t'en foutais. T'as parcouru un peu la ville d'Acropolis avant d'aller voir dans l'Arène ce qu'il s'y tramait. T'avais pas été déçu. Du haut des gradins, t'avais vu des trucs que tu pensais pas humainement possible, et tu soupçonnais le code d'aider les gens à supporter la fatigue physique. Elle était toujours présente, mais c'est comme si vous aviez tous la cardio d'un sportif de haut-niveau. Ça permettait plus de fantaisies et pendant plus longtemps.

T'avais été drôlement admiratif d'un des gars en bas. Tu te demandais si c'était une IA ou un joueur, mais un annonceur (un bot celui-là à n'en pas douter) précisa que les "joutes" n'impliquaient que des joueurs réels. Et ben. En plus son avatar était franchement pas dégueulasse.

T'observais le spectacle en te retenant sciemment de faire quoi que ce soit (contrairement aux autres spectateurs autour de toi), et quand ils eurent terminés, t'étais décidé à rencontrer ce joueur. Il pouvait toujours t'envoyer balader, mais t'avais pas un avatar dégueulasse non plus, et vu ce que tu l'avais vu faire, être avec un autre homme ne le dérangerait pas des masses.

Devant la porte des "artistes", il y avait un peu de monde, mais pas assez pour ne pas l'apercevoir. Tu t'approches avec un large sourire, et tu t'inclines légèrement pour lui demander :

— Hé, je t'ai vu, j'étais dans les gradins et... Bon on va pas passer par quatre chemins : ça te dit qu'on s'amuse un peu ?

Euphémisme. T'avais juste envie qu'il te roule dessus. Ou l'inverse, peu importait.

Dormir... Dormir semblait superflu dans un endroit pareil, et pourtant. Malgré l'assistance que procure le programme informatique, la fatigue existe tout de même. Et elle n'hésite pas à se faire sentir. J'ai dormis comme un bébé, seul dans ma chambre. Je me suis réveillé affamé, et j'ai mangé, seul à ma table. Je me suis un peu baladé, serré dans ma tunique de cuir à l'effigie des anciens gladiateurs, seul dans la rue. Et puis j'ai eu envie de socialiser un peu. Me rendre dans une auberge? Boire un verre? Discuter? Oui, peut-être plus tard, mais sur le moment c'est d'un autre type de socialisation dont je voulais, et j'ai trouvé mon bonheur dans l'arène.

J'y suis un habitué. On me connait, dans les couloirs où les participants se préparent à entrer en scène. Et même parmi les spectateurs, certains, nombreux, connaissent mon pseudo. Parfois, j'ose croire que j'attire du monde dans l'arène, mais la vérité c'est que je n'en sais rien. Mais j'aime le croire. Ça me donne d'autant plus d'entrain lorsque je suis là, en pleine action, tout mon être offert à bien des niveaux. Certains font du sport. Je dois admettre que ceci est nu sport en soit-même. Lorsque je sors de là, je suis en sueur, j'ai des bouffées de chaleur, mais je suis détendu. Je suis  bien. Je suis un peu tendu aussi. Il faut dire que ces orgies n'offrent pas beaucoup de confort.

Il m'aura fallu quelques longues minutes pour quitter mes partenaires de joute, quelques autres pour réussir à me rhabiller. C'est fou ce que ces franges de cuir sont inutiles en terme d'habillage. Je devrais investir dans un skin nudiste, ce serait plus simple. Mais j'aime tellement ce style combattant antique... Enfin bref, quinze minutes suffisent à me pousser dehors et lorsque je passe le pas de la porte, je suis immédiatement accosté.

Hé, je t'ai vu, j'étais dans les gradins et... Bon on va pas passer par quatre chemins : ça te dit qu'on s'amuse un peu ? - Il me faut un instant pour compiler ses mots. Je dois admettre que mon cerveau flotte encore dans un bain d’ocytocine plutôt dense. C'est un avatar des plus attrayant et j'aimerais grandement découvrir se qui se trouve sous cette toge, mais le plaisir des yeux suffit. Je prends néanmoins le temps de bien l'observer, quitte à le mettre mal à l'aise, mais j'ai appris qu'ici, le malaise n'est que la base des préliminaire. Et puis finalement, un sourire me vient. - S'amuser est l'objectif de cet endroit... - Dis-je ne faisant un pas en avant. - ... mais je dois bien avouer être vidé, là tout de suite.

Malgré tout, j'achève de réduire la distance entre nous et laisse mes doigts glisser son épaule à l'air libre. Le contact enclenche l'affiche du hud d'identification. Son pseudo s'affiche, ainsi que le peu d'infos disponibles. - Tu découvres encore Acropolis? - Mes doigts continuent de parcourir sa peau, sans gêne. - Est-ce que ça te plait pour le moment? - J'ai beau lire qu'il n'est là que depuis quelques heures, son attitude et sa hâte me l'avaient déjà vendu. Mon pouce passe sur son pectoral offert et glisse sur le téton avec une pression légère. Évidence que ce geste est volontaire. Est-ce que je le teste? Peut-être. Je n'ai jamais été connu pour me retenir, de toute façon. Finalement, après de longues secondes à le toucher là, où je le sens se raidir, je récupère mon pouce et le dépose sur ma langue, comme je l'aurais fais si j'avais eu un peu de nourriture dessus. - Est-ce que tu es déjà allé aux thermes? C'est un endroit parfait pour se détendre, et franchement je ne dirais pas non à un bon bain chaud après tout ça. - Je ne lui laisse pas vraiment le temps de réfléchir, de toute façon. S'il est venu à moi, ce n'est pas pour repartir, alors je prends sa présence comme acquise et amorce un pas. - Allez viens, je vais te faire visiter.

Même si tu viens pas exactement de te connecter, t'as pas encore fait le tour du propriétaire. Acropolis est encore bien floue dans ta tête, et tu dois avouer que la map est plutôt grande. Plus grande que ce à quoi tu t'attendais pour une version de test. Bon, c'est une bêta ouverte, ce qui veut dire plusieurs centaines de joueurs, même si tu soupçonnes le jeu d'être instancié parce que les rues ne te semblent pas surpeuplées. L'ambiance est plutôt au calme chaud des antiques cités méditerranéennes et si tu as envie de foule, tu sais que le forum est presque toujours bondé.

C'est pas ton but, pour le moment. La curiosité t'avait amené dans l'Arène, et tu avais jeté ton dévolu sur ce joueur. Maze. Il avait sa petite popularité, oui, et quand tu l'abordais, tu ne savais pas comment il allait réagir. Si ça se trouve, la personne derrière l'avatar serait un sale con qui aurait tôt fait de te mute (tu savais pas s'il était possible de bloquer quelqu'un sur DDs, mais bizarrement tu voulais pas tester), mais non, même pas.

Il sourit, et s'avance. Pas de bol, il sort d'une longue session, et il n'a plus grand chose à offrir avant un moment. Même en jeu, ces trucs-là ont un cooldown. Ça te fait sourire aussi, et tu le laisses approcher.

— Ouais, je viens pas exactement d'arriver, mais pas loin.

C'était pas grave s'il était pas opé pour repartir directement, te disais-tu, tu pouvais toujours faire un tour en papotant. En attendant. Mais sa main qui glisse de ton épaule n'était pas spécialement d'accord. Tu compris quand il parla des thermes.

— Oh, ça a l'air sympa... C'est un truc que j'ai toujours rêvé faire ça, aller aux thermes. Je te ferais un massage pour te délasser.

Un léger sourire en coin s'affiche sur ton visage, et quand il se met en route, tu le suis docilement. T'avais hâte de visiter oui, et pas qu'Acropolis.

Oh, ça a l'air sympa... C'est un truc que j'ai toujours rêvé faire ça, aller aux thermes. Je te ferais un massage pour te délasser. - Un sourire amusé passe sur mes lèvres alors que je prends les devants en direction des bains. - Je ne dis pas non. - Je dis rarement non, de toute façon, mais là n'est pas la question. Dans cette situation précise, on en est plus à un "attend un peu" qu'à un "non merci". Je ferais un bien mauvais hôte si je refusais tout. Même si je n'en suis pas vraiment un. J'ai simplement plus d'ancienneté que lui. De peu, puisqu'on arrive tous au même moment environ, mais ça me donne un semblant de responsabilité. Ce petit poulain est ma charge et je dois lui faire découvrir Acropolis. Est-ce que je penserais ainsi si je ne pensais pas vouloir lui arracher sa toge? Probablement pas. La subjectivité. Quelle folle chose.

Parfois, je me dis que ce serait bien d'avoir un mode de transport. Ou des porteurs. Mauvais pays pour ça. Les Égyptiens avaient des porteurs. Ça doit être sympa de ne pas avoir à marcher. - Oui, je sais, on est dans un monde virtuel et techniquement je ne marche pas. Peu importe. - Enfin, bref. Alors, qu'est-ce qui t'as amené ici? - Dis-je en tournant la tête vers ses beaux yeux bleus. - Enfin, si tu veux en parler, bien sûr. Tu n'es pas obligé. - Mon ton n'a pas changé, pas plus que le rythme de mes mots. Je ne suis pas gêné d'avoir posé la question, je l'informe simplement que s'il ne souhaite pas répondre, je le laisserais quand même me masser les épaules. Je sais que beaucoup ici ne veulent pas mêler leur IRL au jeu. Qu'une limite claire est posée entre le virtuel et le réel. Personnellement, au-delà de mon identité, je me fiche pas mal de ce qu'ils peuvent savoir. Je protège mon nom et ma vie privée, mais s'ils veulent savoir que j'ai du fric et que ma vie m'ennuie, et bien soit. Mais je suppose que si je suis ici, c'est pour oublier ça, alors en parler...

Oh! - Fais-je avant de faire quelques enjambées pour rejoindre un kiosque. Il s'agit d'un marchand installé sous quatre piquets de bois et une tenture claire. Derrière son comptoir, il vend quelques mets sucrés et je lui donne quelques pièces contre deux parts de Revani, un gâteau à base de semoule et d'agrumes. Lui en présentant une, je mords dans la mienne. - Désolé. C'est que ça creuse, les efforts matinaux. - Je déglutis, les arômes envahissant ma bouche. - Qu'est-ce qu'on disait?

L'endroit était bien reconstitué, tu devais l'admettre. T'étais venu pour te perdre un peu, pour oublier la monotonie de ta vie, et t'étais pas déçu. T'étais presque sûr de revenir quand le jeu sera vraiment sorti, peu importe le prix. T'économiserais.

Tu suis Maze d'un pas assuré, en remettant ta toge en place. Le vêtement n'est pas désagréable à porter, même si tu soupçonnes qu'il y a un code pour l'empêcher de trop glisser. Dommage, ils avaient loupé le coche à ce niveau-là : ç'aurait été drôle de voir des gens finir nus un peu au hasard dans la rue. Tu notes ça dans un coin de ta tête, y'avait peut-être moyen de faire des suggestions quelque part.

Au bout de quelques pas, Maze parla pour meubler un peu le silence : ce dernier ne te gênait pas, mais tenir une discussion non plus. Tu te trouvais plutôt passif, sans y voir un inconvénient ou un défaut. Se laisser guider, ça te faisait aussi du bien, ça te reposait.

— J'ai rien contre une promenade, même si au bout d'un moment on doit connaître les rues par cœur.

La ville est un peu trop grande pour cela, heureusement. On peut y vivre six mois entiers sans trop s'ennuyer...

— Peut-être qu'il y a des passages secrets ? Après tout, c'est aussi un jeu à énigmes, alors ça m'étonnerait pas que ce soit bourré de raccourcis. Et il y a peut-être des montures ?

Tu ris de ta propre vanne parce que 'titre', évidemment, mais tu n'avais pas tort : il y avait bien une possibilité de louer des chevaux et des ânes, quoique ce ne soit pas exactement donné. Et puis, c'était dans les environs de la ville, sûrement pas dans les rues d'Acropolis.

Maze te demanda ensuite, toujours sur le ton de la conversation, ce qui t'avait amené dans le jeu. Tu lèves les yeux au ciel : c'était pas vraiment important, donc tu ne voyais pas trop l'intérêt d'en parler. C'est pas comme si t'avais une chance ou même l'envie de le croiser une fois de l'autre côté du miroir.

— Y a pas grand-chose à dire, vraiment. L'ennui, principalement... Et puis il parait que ce jeu est buggué de partout, alors si je peux aider en signalant les glitchs...

Ou en en profitant allègrement aussi, ça pourrait être pas mal. Vous passez près d'un stand et Maze se jette littéralement sur les pâtisseries que vendait un marchand. Il en prends une aussi pour toi, et tu souris :

— Merci, t'étais pas obligé.

Tu croques dedans, c'est franchement pas mauvais. T'as pas trop goûté à la gastronomie locale, tu sais juste que leur vin n'a absolument rien à voir avec celui que tu connais, et qu'il a tôt fait de te foutre la tête à l'envers. T'as vite compris pourquoi les Grecs le coupaient à l'eau.

— Des glitchs. Enfin, j'en parlais... T'en as déjà vu ? Après j'imagine que tout le monde les cherche pas, et je comprends les gens qui viennent juste pour s'envoyer en l'air, je veux dire, j'en fais un peu partie. C'est franchement pas grave si je suis bloqué ici ou que j'ai un score de merde. C'est pour des gars comme toi que je suis là.

T'avais rien contre les femmes, cela dit, mais là tout à l'heure, c'était pas elles qui avaient les plus impressionnantes. En voyant Maze en action, tu voulais moins être à sa place qu'être en-dessous de lui. Il te tardait, vraiment.

Merci, t'étais pas obligé. - J'acquiesce en silence. Non, c'est vrai. Et alors? IRL je me serais probablement abstenu, parce qu'on attend beaucoup de moi et offrir à bouffer à n'importe qui n'est que la porte ouverte à plus de n'importe qui qui viennent quémander n'importe quoi. Ici, je fais bien ce que je veux. Et je peux tout à fait envoyer bouler les gens qui viendrait demander des choses. Brooks parait sympathique et outre mes attentions, il n'a rien demandé. En fait, il a été parfaitement franc dés le départ, c'est peut-être pour ça qu'il m’apparaît agréable. Pas de faux semblant. La transaction est claire. Encore loin d'être opérée, mais claire.

Il reprend ce qu'il disait et notre conversation me revient en mémoire. Zeus que j'avais besoin de sucre. Des glitches, hein? - C'est ton boulot? T'as l'air de savoir de quoi tu parles. - Demandé-je, distrait, tout en mangeant. Encore une fois, je m'étale sur le non virtuel. - Désolé, t'as pas besoin de répondre à ça. - Me reprends-je, cette fois en regrettant mes paroles. Pas qu'elles soient insultantes, mais il faut sérieusement que je me mesure. - ... C'est pour des gars comme toi que je suis là. - Je déglutis. - Stop it with the sweet talk. - Dis-je dans un petit sourire. - I already said yes. - Un clin d’œil accompagne les mots et j'avale la dernière boucher de la part de gâteau.

La ville est plutôt grande. - Reprends-je en prenant la direction du grand bâtiment un peu plus loin. - Des glitchs, il doit y en avoir un peu partout. Honnêtement, je n'ai pas vraiment fait attention. Je suis plus là pour les énigmes que pour le supporte technique. Et puis... un petit coup de chaud de temps en temps ne fait pas de mal. J'apprécie la liberté qu'on a ici pour ça. Pas besoin d'en faire tout un tas. On sait pourquoi on est ici. - Quelques pas de plus, et je m'arrête. - Parlant de chaud. Voilà les thermes. - Déclamé-je exagérément en tendant le bras vers le grand bâtiment en face de nous.

Grande structure similaire à un temple, à moindre échelle, une vapeur visible s'échappe des cheminées sur le toit. Quelques personnes entrent et sortent. Je l’entraîne dans les larges escaliers vers les colonnes centrales derrière lesquelles l'entrée se profile. Un comptoir occupé par une jeune femme, un bot, sert de station d’accueil. Elle enregistre qui entre pour pouvoir débiter les consommations à la sortie. Mais à l'entrée, elle ne fait que nous saluer.
L'intérieur des thermes est un vaste espace jalonné de colonnes blanches. Il n'y a que peu de parois sinon un espace vestiaire pour déposer ses affaires dans des cases verrouillées par empreinte numérique. Bref, il suffit de fermer la petite porte en bois. De nombreux bassins occupent le sol. Certains grands, d'autres plus intimes. Les bordures de la salle, surélevées de quelques marches, sont occupées par des couches et des sofas. Parfois même avec des masseurs. Certaines, plus cloisonnées, font office de sauna. Enfin, les thermes sont découpés en deux niveaux et un étage composé de passerelles et couloirs est accessible par des escaliers. En haut, d'autres couches et terrasses intérieures où s'installer et se détendre tout en observant les bains en contrebas et leurs nombreuses et magnifiques mosaïques.

Aussitôt la station d’accueil passée, je guide mon petit nouveau à travers une arche dérobée et dans les vestiaires. Les cases de bois s’enchaînent. Quelques bancs de pierre occupent l'espace intermédiaire. Des tables avec des serviettes propres sont installés ci et là, à disposition. Sans perdre une seconde, je me débarrasse de mon armure de cuir. Le vêtement est constitué de deux larges pièces. Le plastron, que je retire par le haut, et le bas aux bandelettes que je laisse tomber à mes pieds. Reste que les bottes ouvertes, que je retire assis, et je fourre le tout dans l'un des petits placards que je referme. Aussitôt, mon pseudo apparaît sur la petite plaque métallique. - Tu vas voir, c'est un endroit parfait. Il y a même des serveurs qui passent pour apporter à boire. Et des masseurs. - Mon regard dérive un instant. - La première fois que je suis venu ici, j'en ai pris un. Il m'a fait un massage du dos si bon que je suis... venu. - Le pire? Je n'exagère pas. Ces bots sont divins. Je n'en reviendrais jamais.

Aussitôt nu comme un vers pour la deuxième fois déjà en cette unique matinée, j'attrape une serviette mais ne la déploie pas autour de ma taille. Être nu ne me gêne pas, surtout que je la retirerais quand même pour aller dans l'eau. Non, plutôt que de m’embarrasser de ça, je me perd un instant à observer mon vis à vis. Musculature sèche. Pilosité très modéré. Je le bas sans forcer à ce niveau, mais ce n'est pas un critère rédhibitoire. Je n'en ai pas, de toute façon. Et son corps est aussi captivant que ses yeux, ce qui est une bonne chose. Enfin, le corps de son avatar. Un jour je n'oublierais pas la distinction. - Prêt? - Demandé-je, parfaitement conscient qu'il serait difficile pour lui de retirer quoi que ce soit de plus. Il faut dire que la toge comme seul vêtement, ce n'est pas dur à enlever, et il n'y avait rien d'autre.

Lorsqu'il fait mine d'être prêt, je l’entraîne dans la salle principale. Il y a du monde, toujours, mais jamais assez qu'on se sente étouffé. Ou alors, seulement parce qu'on veut bien. Repérant l’alcôve inoccupée d'un grand bassin, je nous y guide. Il s'agit d'un petit détachement arrondi, avec une bordure sous l'eau. Je dépose ma serviette sur une couche au tissu rouge, à quelques mètres de là, et me rapproche de l'eau. Elle est tiède, presque chaude. Un parfum printanier embaume l'air vaporeux. Sans m’embarrasser d'aller jusqu'au petit escalier, je me glisse dans le bain et me laisse aller à un profond soupir de soulagement. - Alors? Qu'est-ce que tu en dis?

Hmm, clairement, t'es pas venu pour parler de la vraie vie, mais ça ne te gêne pas spécialement de parler de ton taff, ou plutôt, de tes connaissances techniques. C'était pas vraiment ton travail, après tout. Tu secoues la tête en souriant :

— Non, t'inquiète, ça va. Disons que je m'y connais un peu oui. Ça m'amuse tellement les trucs qui fonctionnent pas, en vrai, même si je pense que je ferais moins le malin si ça m'arrivait.

La réalité virtuelle, ça rendait pas les bugs de la même façon. T'aurais sûrement une sacrée trouille si jamais t'en trouvais un, mais tu pouvais pas t'empêcher de chercher, la curiosité et l'excitation était trop forte. Tu en rajoutes au passage une couche sur l'aspect charnel du jeu et Maze t'arrête net en te faisant un clin d'œil : ta seule réponse est un rire. Tu aimes le sweet talk, et ce n'était pas plus mal de faire un peu plus connaissance... ou de continuer à louer les qualités d'un tel avatar.

Tu arrives aux thermes, enfin, et l'endroit te fascine par sa beauté. Une bouffée d'air chaud et humide te prend aux narines, et tu suis Maze jusqu'aux vestiaires. Tu ne saurais même pas par quoi commencer, tant l'endroit te semble gigantesque. Les dimensions étaient sûrement fuckées d'ailleurs, parce que les thermes te paraissaient plus grandes à l'intérieur. Tu te demandes s'ils ont fait ça partout ou juste pour ici, alors que tu retires le seul vêtement que tu as pour le mettre dans le petit caisson de bois, avec tes sandales. Ton pseudo s'affiche, et tu te tournes vers Maze, nu et... impressionant, même comme ça. Il te raconte une anecdote et tu éclates de rire :

— Les bots trichent aussi, ils savent tout faire. Du coup, je te garantis rien pour le massage, si ce n'est qu'il sera fait artisanalement et avec le cœur.

Une chose dont les bots manquaient. C'était efficace, mais sans âme, sans réelle surprise non plus. Les devs n'avaient sûrement aucun intérêt à rendre les bots trop bons, au risque de pourrir les intéractions entre joueurs, qui étaient l'objectif affiché. Il ne fallait pas que ce qui était là pour remplacer au cas où ne devienne trop indispensable et central.

Ta serviette dans les mains, tu la déposes sur la même couche que celle de Maze avant de te plonger dans l'eau tiède. Pas besoin de l'escalier non, tu y vas directement jusqu'à t'immerger totalement, tête incluse. Ne gardant que celle-ci hors de l'eau, tu regardes Maze avec une lueur malicieuse :

— C'est tellement le pied... J'vais avoir du mal à vouloir me baigner autrement que nu après ça.

La sensation de l'eau était vraiment spéciale, délicieuse. Tu reviens bien vite vers Maze, et tu te glisses derrière lui. Tes mains se referment sur ses épaules, alors que tu ramènes ton corps contre le sien. Impossible de nier à quel point il te fait de l'effet maintenant.

Les bots trichent, c'est vrai. Possible que l'aspect informatique de la chose leur permette de toucher les exacts points de plaisir. Peut-être aussi que le conception même leur permet de triturer notre cerveau pour y insuffler ce choc électrique qui nous fait céder. Honnêtement, je n'en sais trop rien. Je dois admettre ne pas m'être posé la question. Tout ce que je sais, c'est que c'était divin. Différent d'une attention humaine, mais particulièrement efficace. Il y a tout de même quelque chose de plus avec une autre personne. Une maladresse. Une imperfection qui rend la chose plus authentique. Plus plaisante, aussi. Ou alors ce n'est que moi. Après tout, je ne suis pas de ces types qui tombent amoureux de leur poupées. Ça doit être la même pour les bots, pire avec les IA? Allez savoir.

C'est tellement le pied... J'vais avoir du mal à vouloir me baigner autrement que nu après ça. - Les vêtements devraient être optionnels de façon générale, oui. - Dis-je sur le ton de la plaisanterie, même si une part de sérieux demeure. Dans le monde réel, c'est quelque chose que je n'oserais probablement jamais. Ce n'est pas une question de physique, même si je ne suis pas fais comme mon avatar, mais une question sociale. Trop de pression et de conséquences découleraient. Ici, pas la moindre perplexité ne vient. Profiter et le seul maître mot. D'ailleurs, il revient dans ma direction, se glisse derrière moi et pose ses mains sur mes épaules. - Hello there. - Dis-je dans un sourire en sentant son corps se coller au mien. Ses doigts, forts, entament un massage des plus plaisants et sa chaleur rend les bains d'une fraîcheur ma foi intéressante.

Profitant de l'apesanteur que l'eau prodigue, je nous repousse un peu en arrière et lui permet de s'asseoir sur le banc submergé le long de l'arc de cercle que forme l’alcôve. Moi, je me mets à genoux, jambes pliées, afin de reste à hauteur de ses mains sans me noyer. Ce serait dommage. - C'est que t'es pas mauvais, dit donc. - Dis-je après un soupir de soulagement. Je sens mes muscles se détendre. Les nœuds se défaire. Certes, ma petite séance dans l'arène avait déjà détendu pas mal de choses, mais pas à ce point. Peut-être parce que l'arène, sans surprise, est tout de même une activité énergique. Loin d'être reposante. Ici, baignant dans l'eau chaude et entre les mains de cet inconnu, je peux me laisser aller. D'ailleurs, mes bras se reposent sans gêne sur ses jambes, tel les accoudoirs d'un fauteuil au bassin de feu. Ma tête, nuque fatiguée, vient s'appuyer contre son épaule. Mes yeux sont fermés. - Fais pas attention, je crois que les bots sont jaloux. - Soufflé-je dans un léger sourire. - Tu vas les mettre au chômage, à ce rythme.

C'était plutôt sympa d'être dans un endroit où les vêtements ne sont pas importants, ou au moins plus légers que ce que tu connais. Pour autant, tu ne veux pas leur disparition.

— Optionnels ouais, parce que j'aime trop la mode pour m'en passer vraiment. En tout cas, dans l'eau, ils servent à rien.

T'approchant, tu prends ses épaules dans tes mains, et tu le masses doucement, sans forcer. Tu sens les nœuds, les muscles tendus qui lentement se défont sous tes caresses.

— Merci.

T'as envie d'ajouter qu'on te le disait souvent, mais tu n'aimais pas mentir. Du moins, pas pour te vanter, et même pour plaisanter. Les massages, tu n'en as pas fait beaucoup dans ta vie, et quand tu commences à te demander si c'était pas encore un coup foireux du code à t'améliorer l'air de rien, tu décides de fermer ton cerveau. Pas la peine de réfléchir à ça, surtout si c'était pour te pourrir ton expérience. Bois le mensonge comme un doux nectar, sans penser au reste.

Quant à mettre les bots au chômage, l'idée te fait rire. Maze est de bonne compagnie, chose qui n'arrive pas toujours. Après tout, c'est toi qui lui avais sauté dessus après l'Arène, il aurait très bien pu t'envoyer balader, ou au moins avoir la grosse tête. Mais pas du tout. Il plaisante, il se laisse aller sous tes mains, s'appuie sur toi dans une douce langueur et tu te laisses prendre au jeu. Assis dans l'eau, tu lui caresses les flancs de tes cuisses et tu joues de tes pieds sur ses jambes. Tes mains remontent de ses épaules pour lui masser la nuque, les pouces venant doucement presser la base de son crâne.

— Ça va, je te fais pas trop mal ?

Il ne répond pas, mais impossible d'ignorer son rire qui secoue nos deux corps. Il ne commente pas. Un type modeste? Ils sont pas nombreux, ceux-là. Je le sais, je n'en suis pas un. Parait que c'est pas bon pour mon image d'être trop humble. Humilité égale retrait et une idée de passivité. Je ne dois pas être passif. Je ne dois certainement pas être en retrait. Je dois être vu, entendu, perçu comme un homme avec de l'assurance et de la poigne. Pas nécessairement une poigne de force, mais quelqu'un qui en impose. Bordel que c'est épuisant. Bordel, que c'est stupide. Je vis pourtant très bien d'être le receveur de ce massage et me laisser aller au repos à ses bons soins. En quoi est-ce négatif? En quoi est-ce mal?

Ses mains remontent un peu plus et se concentrent sur ma nuque. Seulement ses doigts, d'ailleurs. Ses pouces, à la base du crâne. Un frisson démarre là, chute le long de mon dos avec force et, bien malgré moi, un soupir de soulagement m'échappe. Mon corps tout entier se détend. Je me sens même un peu glisser et je suis obligé de me retenir et me redresser. - Ça va, je te fais pas trop mal ?  - Pas du tout. Bien au contraire. - Il y a du bruit dans les thermes. Des voix qui s'élèvent. Certaines, placides et mornes, proviennent des bots qui se baladent avec les breuvages qu'ils servent. D'autres, plus diverses, des IA et des joueurs qui peuplent les bains. Pourtant, ils ne sont que du bruit, un bruit distant. C'est comme si l’alcôve dans laquelle nous baignons était isolée du bruit. Et en soit, c'est peut-être le cas, mais dans cette fraction de réflexion, j'aime à penser que c'est ce massage qui m’assomme assez pour que le monde autour s'estompe un peu. Il faut dire que dans un endroit pareil, dans un environnement pareil, il est difficile de se retrouver seul. Il y a toujours quelqu'un quelque part. Même dans la villa, il y a toujours du passage. Pas pour rien que j'ai investis dans un logement en ville.

Est-ce que tu t'es déjà retrouvé dans une situation comme ça, dehors? - "Dehors" a le sens évident d'en dehors du jeu. - Personnellement, je suis loin d'avoir ce genre de... liberté. Même si je pouvais, je suis presque sur que ça sonnerait faux. Comme forcé. Pas organique. - Je pourrais parfaitement trouver quelqu'un. Je pourrais parfaitement me retrouver dans un bain avec. Je pourrais parfaitement payer pour construire un endroit similaire et organiser ça, mais... Il faudrait le faire. Il faudrait organiser, proposer, suggérer, négocier. Là, ici, je n'ai rien eu à faire de plus que m'installer dans l'eau avec lui. Même sans parler des thermes en tant que lieux, notre interaction a été immédiate et sans barrière. Sans gêne. Pas que ce soit unique à lui, mais Dedalus' Dreams rend les choses tellement plus simples. Combien de repas ou de fleurs aurais-je dû offrir pour faire ça...

D'une pression sur ses jambes, je lui intime d'arrêter. Aidé par l'eau, je pivote sur moi-même. À genoux devant lui qui est assis sur le rebord, nos visages se font essentiellement face. - Cela dit, je doute que tu sois venus ici pour prendre soin d'un gladiateur. - Je suis totalement un gladiateur. - Enfin, pas seulement. - Dis-je dans un sourire. Pas de méprise, j'aurais pu me complaire ainsi pendant des heures, mais il est peut-être temps de lui retourner l'ascenseur, non? D'un geste doux, je repousse ses bras pour qu'il les laisse reposer de part et d'autres. Mes mains viennent ensuite se poser sur ses cuisses immergées et remonte lentement le long de sa peau. Il est loin d'être petit, ou fin. Son avatar est un homme grand, bien formé, mais j'ai de grandes mains. Mains qui, une fois arrivées à ses hanches, continuent leur route le long de ses flancs. Mes pouces trouvent vite les parcelles sensibles de ses tétons et s'en amusent un instant avant que, sans prévenir, je me penche en avant pour venir offrir à ma langue le même jeu. Est-ce un massage qui lui plaira? Bizarrement, je n'en doute pas.

Tu entends à peine le bruit de fond et la petite musique que jouaient des musiciens à l'étage des thermes : tu es bien trop concentré sur le massage que tu procures à Maze, sur le placement de tes doigts, sur la pression qu'ils exercent. Ton esprit se focalise là-dessus comme pour oublier ta peau qui se frotte à la sienne, en vain. Chaque petit mouvement imperceptible te ramène à ce désir qui bouillonne d'autant plus que tu patientes, attendant que Maze ne se remette de sa matinée. Il n'ignore pas ce qu'il se passe de ton côté, comment le pourrait-il, et puis, c'est un des buts affichés de l'endroit, mais il papote. Tu n'es pas doué pour le small talk, et tu essaies de le suivre sans trop t'aventurer sur des terrains que tu sais trop gênants pour toi. Le Dehors ferait mieux de rester où il était et de se faire oublier, pensais-tu. Tu avais cru que la majorité des joueurs seraient comme toi, et cela te faisait bizarre de rencontrer quelqu'un qui y revenait aussi souvent. Il fallait dire que ç'aurait été plus facile de ne pas parler de toi si tu avais pris le temps de te faire un personnage un peu plus "roleplay". Ta faute, tu imagines.

Mais tu vas quand même lui répondre, non sans hausser les épaules.

— Non, jamais... Je pense que ça n'existe pas, pas vraiment, si ? C'est le but d'Acropolis, de toute façon, nous emmener dans un endroit qui n'existe pas. Ou plus. Quoique je me dis qu'il doit y avoir énormément de fantasmes sur l'Antiquité et que les gens de cette époque ne devaient pas se grimper dessus au moindre corps nu à portée de main. Les gens à poil, c'était banal, j'imagine.

Ce n'est que ton intuition, car tu n'es clairement pas historien. Cultivé oui, un peu, mais pas au point de faire la différence entre ce qui relevait de la vérité historique et ce qui était pure fantaisie. Bon, tu avais aussi vu et lu assez d'historiens pour mettre en doute le terme de 'vérité historique', mais ça, c'était un autre débat.

Maze te demande d'un geste de t'arrêter, ce que tu fais immédiatement : peut-être est-il lassé ? Mais tu en doutes. Tu as surtout envie qu'il passe à la suite, même si tu penses qu'il est sûrement encore un peu tôt. Il se retourne vers toi, et étend tes bras pour être sûr que tu sois à sa merci. Cela ne te dérange pas, au contraire. Tu es un passif dans l'âme, paresseux sur les bords, et qu'on s'occupe de toi n'est absolument pas un problème.

Et il s'occupe effectivement de toi, venant passer ses mains sur tes pectoraux avant d'y mettre la langue. Tu avais tellement envie qu'il la fourre ailleurs, sa langue, mais d'un autre côté, prendre ton temps n'est pas une mauvaise idée. Tu te laisses guider, parce que sinon tu aurais été sûrement trop vite en besogne, comme un débutant, comme le newbie que tu étais ici, du genre à ne pas avoir compris qu'il avait plusieurs mois de jeu et que les plaisirs n'allaient pas s'envoler. Tu soupires, et tes mains reviennent vers lui, lui caressant le dos puis les cheveux.

— Dis... Je peux t'embrasser ?

Tu préfères demander, parce que t'imagines que certains ne veulent pas. C'est pas ton cas, personne t'attends dehors, personne pour être jaloux, et quand bien même. Tu ne peux pas t'imaginer faire autre chose sans au moins échanger un baiser, aussi illusoire soit-il.