Du sang sur les pages

Je souris devant les simagrés de l'enfant. La cote nord n'est pourtant pas un endroit sur, entre les pirates, les bêtes sauvages et les rumeurs de falmers. Encore moins si, comme le suppose Lingriel, le livre est au mains de quelque chose de plus puissant qu'Ancano. Je regarde la mage avec un sourire ironique quand elle me parle d'éviter les affres de la maternité, et la dément.

J'ai eu des enfants adoptifs.

Bon, d'accord, à temps plein, seulement quelques mois. Pas simple à élever en ayant une apparence d'enfant, mais à l'époque je ne pouvais pas les confier à d'autres de mes neveux et nièces. Et je reste un modèle de référence pour les plus jeunes membres de ma famille, au même titre que leurs parents (ce qui déplait à certains de mes beaux neveux et belles nièces). Bref, on s'en fiche. L'important c'est que je pense pouvoir comprendre la préoccupation de la mère. D'un geste, je leur fais signe de me suivre, et m'en vais vers ma chambre sans prendre la peine d'éclairer mon chemin.

Entre votre opinion et celle des mages avec qui j'ai pu discuter je n'ai décidément pas l'impression qu'on parle de la même personne. Il faudrait que vous me disiez ce que vous savez sur lui, parce que Faralda dépeint surtout un flagorneur et un imbécile bouffi d'orgueil et fouineur. Et c'est une Altmer, donc c'est pas une opinion biaisée par du racisme, enfin, je ne crois pas.

J'ignore comment les altmers ne faisant pas partie du Thalmor voient ce dernier. Arrivée dans la chambre, je fouille l'armoire et en sort deux paires de bottes enchantées. Elles sont anciennes, ayant été réalisées pour un devoir d'enchantement avant le grand Ravage, et ne sont donc plus vraiment à la mode (Si tant est qu'il y a une mode pour les bottes), mais sont toujours souples et portables. Les bottes droites ont été enchantée avec un sort étouffant les bruits légers, bruits de pas et frottements de vêtements, la première botte gauche avec un enchantement améliorant la discrétion, la deuxième botte de gauche permettant de marcher sur l'eau. Enchanter séparément les bottes était une astuce que le professeur d'enchantement de l'époque m'avait donné comme préquelle au double enchantement d'un objet. Évidement, les deux paires de chaussures sont à ma taille, donc mettables par Lingell (je pense, on fait la même taille) mais certainement pas par sa mère.

Choisi en une paire. Si tu devine ce que je suis, tu pourras la garder.

C'est après tout la récompense à laquelle je pensais quand j'ai lancé mon défi à l'enfant, mais elle risque d'en avoir besoin plus tôt que prévu. Je lui confie également le cristal guide, manière de m'en débarasser les mains, et remet rapidement mes vêtements de chasse. Les robes de mage, c'est mignon, mais c'est moins pratique pour courir.

On en a pour un jour de marche, une demi journée par la mer, mais on sera plus repérables.

[Je te laisserai dépeindre le voyage? Effie les guidera jusqu'au phare d'Hiveronde ou en dessous.]

Tiens donc, il est spécialisé en restauration, le monsieur... Je me demande si c'est une coïncidence avant de me rappeler que 'heureusement', le monde ne tourne pas autour de notre quête. Mais je note. Je note aussi que Lingriel compte probablement récupérer les informations dont il dispose, ce qui laisse présager d'une mort lente... Et compliquée parce que je doute qu'il se laissera faire. Bon en soit ce ne sont pas tout à fait mes affaires.

L'enthousiasme de la môme me tire un sourire fier. Et ça simplifiera le voyage, qu'elle soit plus discrète. Le dit voyage se passe assez facilement. Je le passe à courir en cercle devant les elfes, puis vers elles pour les prévenir aussi bien des difficultés du chemin que des rencontres possibles. Comme les bandits. J'indique le second archer à la mage, mais le premier, celui qui surveillait la route par où on arrive, je m'en occupe moi même, amplifiant l'effet de surprise et la trouille que génère la thalmor. Bon et si je m'assure de les diriger selon un chemin plus lent, mais plus praticable pour deux piètres marcheuses, je suis quand même agréablement surprise de voir qu'aussi bien l'adulte que l'enfant tiennent le rythme que je leur impose sans se plaindre. Autant l'adulte ça me surprend pas, elle a l'allure d'une soldate, autant l'enfant, même si je fais attention à ne pas lui en demander trop, elle me tire un sourire appreciateur.

Par deux fois lors de pauses, j'ai repris le cristal guide à Lingell pour savoir dans quelle direction il scintille, et évaluer la position d'ancano. Lorsqu'on arrive au phare, je secoue la tête à l'attention de Lingriel qui veut se lancer à l'assaut du bâtiment.

Je vais faire une reconnaissance, mais je ne pense pas qu'on aie besoin du phare. Lingell tu me redonne le cristal, je te prie ? En attendant mangez un morceau, ne vous asseyez pas et obligez vous a faire quelques pas régulièrement.

Oui soyons francs je ne laisse le cristal à Lingell que pour lui donner un vague sentiment d'importance, petite manipulation supposée l'aider et l'encourager à suivre le rythme. Une fois en ma possession je vérifie les alentours du phare, puis la direction indiquée par notre balise. Nord est. Sachant où j'étais précédemment, et les directions indiquées... Je reviens vers les deux elfes.

Il doit être aux alentours de la grotte de source chaude. Qui n'en a que le nom d'ailleurs, depuis le grand ravage. Le plus simple serait de descendre le glacier jusqu'à la mer, puis revenir plein est. L'entrée de la grotte est au fond d'un couloir de glace, il faudra donc être vigilantes s'il y a des gardes. J'imagine que vous préférez continuer, même avec la nuit qui tombe ?

Alors on est reparties. Comme leurs sorts de lumière seraient trop visibles, je leur lance à chacune un sort de vision. C'est pas tout à fait de la vision nocturne, plutôt quelque chose basé sur les températures. Le glacier apparaît nimbé d'une lueur bleutée, éclairant ainsi les environs, tandis qu'elles mêmes sont entourées d'une aura rougeoyante. Et moi... Je n'apparais pas particulièrement, n'étant ni particulièrement chaude, ni particulièrement froide. Le sort ne fonctionne pas sur les morts vivants. Cette fois ci, par contre, je reste à leur côtés tant qu'on est sur le glacier. Elles marchent pas trop mal, mais là c'est d'un autre niveau. Et une fois sur la plage je salue leur réussite d'un Pas mal, pour des citadines. A l'entrée du couloir de glace menant à la grotte, je vérifie une dernière fois le cristal. Ouais, pas d'erreur c'est la grotte qu'il indique. Pas de gardes, mais une rune au sol, que j'indique à la mage. Et surtout, il y a une odeur dans l'air, mélange de magie et de mort...

Il tape dans la nécromancie, votre gars ?

   

Je tire la langue à Lingell en réponse, pas vexée pour deux sous. Et je redeviens aussitôt sérieuse. Je sais, j'ai vu. J'ai vu cette technique et j'ai eu très chaud aux fesses, aussi, pendant une mission d'éclaireur. Heureusement pour moi j'avais pu me faufiler par un trou à peine plus grand qu'un terrier de renard et filer. Eh oui, pendant la guerre, deux camps nous séparaient. Et là une alliance ténue et une gamine qui tire la langue nous rapprochent. La vie est bizarre.

Je doute effectivement que les livres supportent un tel déluge de feu. Et les morts vivants ne risquent pas de s'asphyxier. Vous connaissez les signes généraux ? Avancer, attendre, repli, attaquer...

Je dessine en même temps de la main les signes en question. Après une hésitation j'ai choisi d'utiliser ceux de l'armée impériale, plutôt que les signes de chasse qui me sont plus familiers, dans l'espoir qu'ils soient reconnus par la thalmor. Parce que moi j'ai aucune idée de leurs signes elfiques.

Lingell, c'est toi qui a le cristal. La grotte de sourcechaude, de mémoire, est assez tortueuse, avec plusieurs ramifications, je peux compter sur toi pour nous guider ?

Bon, soyons francs, je suis pas chaude pour entrer dans ce que je pressens être un repère de nécromanciens avec une gamine, mais rester devant l'entrée est dangereux aussi. J'entre en catimini, et je sens très vite l'odeur du sang, aussi bien le vieux de plusieurs jours que le frais d'il y a quelques heures. J'entends aussi l'écho indistinct de voix multiples et rythmées, je suppose en train de réciter des incantations. C'est bien, parce qu'avec un peu de chances on pourra progresser plus facilement dans la grotte. C'est pas bien parce que je ne suis pas sure de vouloir savoir ce qu'ils foutent. Déjà qu'il y a des rumeurs de nécromanciens ayant tenté de ramener Potéma à la vie... Un truc qui me tente pas du tout, parce que celle là, elle est, parait-il assez puissante nécromancienne pour soumettre des vampires à sa volonté... Dans le couloir, juste après un angle, j'entends des crissements d'os, et j'indique deux doigts à Lingriel. Et j'entends aussi le battement d'un coeur, cible prioritaire, donc. Un nécromancien peut relever les morts, mais si ces derniers ne sont pas liés par rituel à une gemme spirituelle (ou à d'anciennes magies de promesse, pour certains donjons), ils tombent en poussière dès que leur invocateur meurt. Donc tuer le nécromancien permettra avec un peu de chance d'éliminer l'un ou les deux squelettes. J'ajoute un doigt pour Lingriel, en tapotant ma poitrine pour indiquer des battements cardiaques. Bon, et je me dit que je vais m'en occuper moi, au cas où elle aurait mal compris le signe. Et sinon, y a une mage de talent pour s'occuper des trois. Je charge ma fronde. Et je murmure.

Si vous avez des sorts silencieux, ce serait préférable.

Les morts n'iront pas prévenir de renforts (sauf si on leur en donne l'ordre) mais les vivants peuvent y penser. Et ce serait préférable de ne pas avoir d'un coup tous les mages noirs du coin sur le dos.

Bon, je garde la môme à l'écart des ennuis, pas de problèmes. Je charge ma fronde, et m'assure de garder l'elfette entre le mur et moi. Et c'est gentil de la part de sa mère d'utiliser des sorts de foudre plutôt que de feu ! Bon, par contre c'est particulièrement bruyant à mon goût. Mon ouïe est faite pour capter les battements d'un cœur à vingt mètres. Pas pour subir des coups de tonnerre à quelques pas de moi à peine !
Entre deux crépitements, j'entends, plus loin dans les couloir un ordre de repli. C'est que ça s'organise, on dirait. La réplique des nécromanciens ne se fait pas attendre. Un atronach de foudre apparait non loin de Lingriel. Oh, vu ses sorts orageux, il ne lui fera pas de mal, je pense. Mais elle non plus à moins de changer d'école. Et il attire les sorts de foudre qu'elle lance sur les squelettes, les en protégeant.
J'invoque un ours massif aux côtés de Lingriel, pour protéger ses arrières. Massif et peu rapide, il n'est pas très pratique pour combattre avec moi, mais pour protéger une mage qui bouge assez peu, c'est suffisant. Et lâchant la main de Lingell, je m'avance légèrement à découvert pour trouver l'invocateur. Qui sourit, victorieux, caché derrière une puissante barrière. Bien tenté... Mais les barrières sont conçues pour être très efficaces contre la magie, moins contre une arme de jet. Et encore moins contre un vulgaire caillou, petite astuce acquise lors de la guerre contre le domaine. Le sort est conçu pour laisser passer les objets "naturels", comme la pierre, la terre, le bois, pour faciliter les mouvements de celui qui l'invoque. Par contre elle ralentie, voire arrête pour les plus puissantes, la magie, y compris d'invocation et les métaux travaillés... Qui constituent l'immense majorité des armes.
Bref, tout ça pour dire que ma fronde siffle, mon caillou fend l'air... Et le crâne de l'invocateur, comme un oeuf, révoquant aussitôt l'atronach. Ce qui permet à Lingriel d'achever les derniers squelettes... Et moi je n'entend plus rien devant. Ils se sont repliés ?

|Rien à signaler. Avancer. Attention pièges.|

Je reprend la main de Lingell pour la ramener vers sa mère, et m'engage doucement dans le boyau. Je ne vais pas loin. Après quelques coudes, la grotte débouche sur une caverne plus large, à l'entrée de laquelle attendent trois runes au sol, et j'entends un gars qui donne ses ordres. De ne pas nous laisser approcher du "maitre", et de nous tuer absolument. Enfin, non. De tuer Lingriel, ils n'ont pas compris qu'on était avec. Bon et il autorise ses hommes à jouer avec elle si ils veulent ils vont être déçus je crois. Elle n'a pas les mêmes jeux qu'eux. Bref, je signe.

|Piège au sol. Embuscade.|

   

Qu'est-ce qu'elle va encore me sortir de son chapeau, la mage ? Je suis la môme à quelques pas de l'adulte, et assiste à la tempête de neige, qui fait éclater les runes qui gardaient l'entrée. Les nécromanciens jurent, les barrières et les sorts fleurissent. J'entraine la petite dans le sillage de sa mère.

Ferme les yeux.

Je vise en priorité ceux des mages qui ont des barrières, mes projectiles les ignorant allègrement, et m'assure d'invoquer Wulfie pour nous protéger et Grizly pour protéger Lingriel. Autant dire qu'ils ne choment pas. Un nécromancien  nous voie, je lui lance un sort de calme. Ignorant Lingriel et les hurlements de ses comparses, il s'avance vers nous, les mains sur les hanches. C'est pas un endroit pour les gosses ici ! Bon, il a pas eu le temps d'en dire plus avant d'être réduit en cendres.

La salle vidée, je n'entends pas d'autres sons humains dans les couloirs. Par contre la salle se divise en deux embranchements. A droite, un chemin qui traverse un gouffre avant de descendre en tourbillonnant vers les profondeurs du gouffre. A gauche, un chemin qui monte, je suppose, vers la chambre où j'entendais des chants, plus tôt. Le cristal scintille vers la droite. Moi je jette discrètement un coup d’œil en bas, avant de faire un signe |Rien à signaler| à Lingriel.
A gauche, par contre, on se retrouve... Enfin non, je me retrouve face à deux drémora et le chef des nécromanciens, qui nous attend. Oups.

Vous ne vous mettrez pas en travers du chemin de mon maître !

Un mur de flamme apparaît derrière les deux elfes, coupant leur retraite (enfin en théorie) me faisant jurer. Et surtout ce que je vois, c'est la bille verte posée sur le torse d'une femme suppliciée, le corps nu couvert des mêmes tatouages que les victimes de Morthal, derrière le maitre nécromancien.

Oh. Merde.

  Bon, on s'en occupera plus tard, d'abord je reste pas dans le chemin.  

Alors franchement, l'avertissement de Lingriel euh... Je la regarde, je la trouve assez ridicule de grandiloquence. Est-ce qu'elle croit sérieusement qu'il va lui obéir ? Est-ce qu'il y A des gens pour obéir à ça ? Le nécromancien répond d'un rire suraigu et fou. Soit il est immunisé à la foudre soit c'est là un effet secondaire des plus étonnants.

Mon maitre écrasera le Thalmor ! Vous n'êtes tous que des vers entre ses mains ! Tuez la et ramenez moi les fillettes, j'offrirai leurs cœurs battants à notre maitre !

Ouais, non, je confirme qu'il a pas été impressionné par le discours grandiloquent. Et qu'il est immunisé à la foudre, probablement par le biais du collier à son cou. Je réceptionne Lingell et la fait passer derrière moi. Accessoirement, il n'a pas du capter que mon coeur, ça fait longtemps qu'il ne bat plus. Mauvais point pour un nécromancien, quand même.

Lingriel, ne le tuez pas, j'en ai besoin !

Je suis obligée de crier pour couvrir le bruit de la foudre qui finit de rebondir. L'un des drémora en a été sonné, l'autre se précipite vers nous en braillant Je fais honneur à mon seigneur en vous anéantissant ! Je pare son épée spectrale avec ma dague tout aussi spectrale, tandis que Wulfie lui saute sur le dos. Je peine, soyons francs, je ne suis pas une épéiste et ce truc tape comme un sourd. Mais je ne peux pas reculer, alors que Lingell est derrière moi. J'incante, siffle de douleur en parant insuffisamment un coup qui me laisse une estafilade sur l'avant bras. Wulfie mord les jarrets de mon adversaire, et est aussitôt éliminé par un coup d'épée, mais moi ça m'a donné assez de temps pour lancer le sort de bannissement. Un de moins.

L'autre Daedra est au prises avec Grizzly qui protège Lingriel. Il ne tiendra pas longtemps, un assaut, deux au plus. Et pendant que Lingriel est occupée par les drémoras, le nécromancien ranime la femme qui se jette sur l'elfe, nue et ensanglantée et tente de l'immobiliser. Le nécromancien lui lance ensuite un sort drainant.