The stench of shadows. || Ft. Artémis

Tu as l'air d'un cadavre. - Va te faire foutre. - C'est une offre ? - Un regard noir traverse la table isolée du Dard de l'Abeille pour venir trancher le visage de Thrynn et ses yeux d'un noisette chaleureux. C'est un homme grand à la musculature si développée qu'on se demande où il trouve l'agilité et la souplesse de faire partir de la guilde des voleurs, l'épée courte presque ridicule en comparaison de l'épaisseur de ses bras. Et pourtant, je peux témoigner qu'il peut faire preuve de chacune de ces deux caractéristiques. Il ne s'assoit pas. Je vide ma chope et me lève. Les murs ont des oreilles. Aussitôt à l'extérieur, l'odeur macérée d'eau croupie et de poisson revient étreindre mon nez. Je suis silencieusement Thrynn, ses cheveux bruns tressés sautillant sur ses épaules, et nous descendons en contrebas du marché, sur les vieilles planches humides qui longent le canal de la ville.

Je t'aurais bien fait descendre à la Cruche Percée, mais... - Je sais, je sais. J'ai de toute façon plus pressant à gérer que la mémoire longue de tes collègues. - Et c'est ainsi qu'à l'angle d'une colonne, à l'ombre des hauts murs du canal, j'explique rapidement à Thrynn ce dont il retourne. Une mission piège, un étrange livre, un pouvoir ancien. Je lui passe les détails, omets de mentionner le Daedra en liberté dans les terres ignorantes de Bordeciel, et en vient rapidement aux faits. J'ai besoin d'informations sur le livre lui-même, besoin de savoir qui pourraient connaitre son existence, si la Guilde a eu vent de ce contrat. Peut-être ne suis-je pas le premier envoyé à sa recherche, seulement le premier à réussir. Aucune information véritablement critique. Une conversation comme une autre dans la ville-fief de la Guilde des voleurs. - Tu sais que je n'ai pas vraiment accès aux registres, hein ? - Mais tu peux demander. Peut-être pas à ton chef lui-même, mais je suis certain que l'une des têtes pensantes de votre petite ratière peut te renseigner. - Un soupir échappe à ses lèvres et je souris de plus belle. - Une chose est certaine, s'il y a bien une personne qui peut avoir le nez dans une histoire pareille, c'est bien... - Il n'achève pas sa phrase, laisse couler son regard vers la ville au-dessus de nous. - Oh.. Elle fourre son nez dans toutes les histoires qui ne la regarde pas. Tu as peut-être raison. - Je vais me renseigner de mon côté, mais tu peux explorer cette piste. Dans le pire des cas, ça lui donnera une petite leçon. Elle se pense intouchable et... Et bien, personne n'est jamais vraiment intouchable. - J'acquiesce. Là encore, il a bien raison. L'air de rien, je me rapproche et glisse mes lèvres le long de sa mâchoire, intimité publique éhontée. - Tu as une ombre. - Murmuré-je à son oreille avant de déposer une baiser sur sa joue, puis de me retirer. - Et c'est toujours une offre. - Ajouté-je à haute voix avant de m'éclipser.

Le pas serein, parfaitement conscient que nous sommes suivis depuis que nous avons quitté la taverne, et peut-être depuis avant dans le cas de Thrynn, je délaisse les ombres et me fond dans la masse de la population. Fallaise n'est pas la plus pullulante des cités, peut-être l'a-t-elle été par un passé révolu, mais elle suffit à mes affaires. Je traine un peu au marché, retourne à la Taverne du Dard de l'Abeille prendre une nouvelle bière, manger un peu. Voilà presque deux semaines que je sillonne les routes de Bordeciel, à travers les glaciers du Nord, les neiges de Vendeaume et les forets entre la ville Sombrage et les grises murailles de Faillaise. Voyager seul m'a toujours paru plus aisé. Le pas rapide, léger, personne pour nous faire repérer. Azura, dont j'ai observé l'autel de loin, pour guider mes pas. Le froid n'a que faire de la discrétion de mes gestes, malgré tout j'ai atteint bon port avec un grand besoin de repos. Ce qu'il reste de cette journée, je le passe à ça. Boire, manger, vaquer, flanner. Observer, épier, analyser, compter. Un balcon à l'avant, un autre à l'arrière. Des escaliers, deux portillons grinçants. Les gardes, ci et là. Un, trois, six. Deux minutes. Quatre minutes. Les rondes qui s'enchainent, le soleil qui tombe, les ombres qui m'emportent et il est déjà l'heure d'entrer en scène.

Lorsque la nuit étreint le ciel, que les torches s'allument et que la population se raréfie, je disparais pour m'inviter à l'arrière du manoir Roncenoir. Maven a un nom qui porte, et un tempérament lourd comme la pierre. Combien de contrat passé avec la Confrérie ? Combien de main noire encrée en son nom ? Combien de menaces ignorées ? On ne psalmodie pas impunément le nom de la Confrérie, et pourtant elle s'en sort toujours. Fut un temps où je m'en agaçais. Aujourd'hui, même si je ne suis plus concerné, je dois admettre ressentir une certaine satisfaction à m'introduire chez elle. La serrure clique et claque, la porte grince si imperceptiblement qu'on penserait à un bête insecte dans la nuit. J'entre et referme derrière moi, si silencieux que même le plancher ne pipe pas le moindre son. Maven est encore entrain de manigancer à la taverne. Ses gardes sont fatigués d'une journée de surveillance, et sur le départ. Ils ne feront pas attention à moi. Qui s'inquièterait d'une ombre, après tout ? Registres, livres, notes... Si Maven Roncenoir est liée de près ou de loin à mon fardeau, je le découvrirai ce soir.

Le pas souple, la botte si silencieuse que chaque grincement dessine dans mon esprit le plan du manoir, et les points de pression qui s'y déplacent. Des gardes fatigués, désormais moins nombreux que quelques minutes plus tôt. Le changement d'équipe est en cours, mais les nouveaux surveillants ne sont pas encore en place. Des voix s'élèvent du rez-de-chaussée, graves, approfondies par les heures d'ennui passées entre ces quelques murs. Un ennui que j'entends bien perpétuer avec la prochaine équipe de gardes, alors que mes jambes me portent jusqu'à une porte entrouverte. Une chambre déserte. Le lit à baldaquin et toiles scintillantes, la somptueuse soie verte qui orne le dessus  de la couche, le grand tapis aux fils d'argent... Pas assez luxueux pour que ce soit la chambre de Maven.

Pourquoi pas le bureau ? Pourquoi pas, oui. Maven n'est pas du genre à laisser ses importantes affaires en pleine vue, même dans son propre fief. Même quand des gardes patrouilles dans les couloirs de son foyer. Un peu impersonnel, quand on y pense. J'ai été élevé et ai vécu au sein de la Confrérie pendant des années : même les assassins ont plus de respect de l'intimité que ça. Quoi qu'il en soit, le bureau parait être une bête façade et si l'autre option est que Maven conserve les informations d'importance sur sa personne, l'autre est qu'elle les cache là où a le plus souvent un œil dessus. Autrement dit les endroits les plus intimes de son foyer. Pas la cuisine, elle a des gens pour ça. Pas le séjour où invités et gardes passent en permanence. Sa chambre, en revanche, est prometteuse. Seule elle et son mari y accèdent, que ce soit pour dormir, se changer, faire leur toilette... On expose sur son bureau ses doléances et les lettres de quelques créanciers. Mais ses secrets ? Ses secrets, on les réchauffe sous l'oreiller.

Ni une ni deux, je bifurque sur la gauche à l'angle du couloir et découvre une double porte. Pas le moindre grincement de plancher à l'intérieur. Ma main se tend vers la pognée, mais un bourdonnement dans mon esprit me force à réenvisager la situation. Y'aurait-il quelqu'un à derrière ? Immobile ? Qui m'attendrait ? Un grincement dans mon dos. Non, la menace n'est pas dans le chambre. Ce nouveau pas est incertain, lourd. La discrétion suffisante pour le commun des mortels, mais pas pour moi. Une chose est certaine, la disposition du couloir est à mon désavantage et si l'entité est déjà là, elle m'a forcément déjà repéré. Fuir ? Si je pars, je ne pourrai pas revenir. Alors quoi, attaquer ? Je peux tuer ce garde sans un son et cacher son corps, quand on le trouvera, je serai déjà loin. Une dague glisse dans son fourreau. Un garde innocent contre le possible sauvetage du monde, est-ce un tel sacrifice ? La feuille de la lame lèche un éclat de lumière. Le corps pivote tel une ombre. Les cheveux blonds, les oreilles en pointe. Mon geste n'est seulement ralenti que par l'absence de l'uniforme gris des gardes de la cité. Habitant ? Domestique ? Dans l'infime souffle de mon mouvement, milles options défilent pour expliquer cette présence. Une hache de guerre, gravée dans le plastron de son armure. Wuuthrad. La dague s'arrête à hauteur du cou de la jeune femme, pourtant encore loin d'être à portée de main. Ou d'épée. - Maven s'est-elle arrogée les services d'un Compagnon... Ou êtes-vous une invitée tout aussi bienvenue que moi ? Dans un cas, votre présence ne m'arrange pas vraiment. Dans l'autre, les craquements de vos pas sur le plancher risquent de rapidement devenir un problème. - Un Compagnon n'a rien d'une mince affaire, quand bien même le métal tranche tout autant leur chair que celle du premier des paysans. Puisque jusqu'à preuve du contraire, les Compagnons ne sont pas au service de Maven, peut-être n'a-t-elle que faire de me trouver ici. Et dans ce cas, je n'ai que faire de la neutraliser. Et sinon... Et sinon. oui.

... je t’aurais mis une raclée pour ça, sache le. - Elle aurait essayé, peut-être, mais je tiens ma langue. Là n'est pas le moment de la provoquer et aggraver un peu plus la situation qui n'a pas besoin de plus d'obstacles et d'imprévus. - C'était donc toi. - Dis-je en réaction à son espionnage. Je nous savais épiés, je me savais observé, mais il y a une différence entre le regard d'un garde et celui d'une personne comme elle. La différence, c'est que les gardes ne patientent pas des heures, juste pour savoir. À la moindre suspicion, ils passent à l'action, voilà pourquoi je n'ai pas cherché à la fuir. Parce que d'une certaine manière, je comptais sur le fait qu'elle se révèle d'elle-même. De là à penser qu'elle me suivrait ici.. Celle-ci, je ne m'y attendais pas.

Libre à toi de tourner les talons, si tu n'as plus rien à faire ici. - M'entends-je dire en rangeant la dague de lancer dans son emplacement. Et elle en aurait probablement eu le temps si cette conversation avait eu lieu quelques maigres secondes avant. À cet instant, c'est le grincement d'une porte qui s'ouvre qui plonge mon regard à travers le plancher. Des bruits de pas déjà boueux d'ennuis. Les nouveaux gardes entrain de se disperser. - À l'intérieur. - Dis-je aussitôt en lui indiquant les double-portes. Ni une ni deux, je dégaine mes outils de crochetage et m'attèle à faire céder la serrure, qui rend l'âme presque aussitôt. Maven se pense intouchable, au sein de son domicile. Une erreur dont son ego ne la sauvera pas. La porte s'entrouvre et je la pousse de telle façon que les gonds n'émettent pas le moindre son avant de me glisser à l'intérieur de la chambre, la mercenaire sur les talons. La porte est alors aussitôt refermée, et verrouillée à l'aide de mes crochets. De cette façon, si un garde vient s'assurer que tout va bien, il n'y verra que du feu.

Aussitôt, la pièce aux angles inégaux hurle le luxe dans lequel je peux sans mal imaginer Maven Roncenoir se baigner. Bijoux et vêtements aux finitions si détaillées qu'elles auraient pu être faites grâce à la magie. Meubles de belle facture. Un grand lit aux draps de soie presque satinée, et un large tapis aux couleurs chaleureuses, comme un plancher d'or et de grenat. Dans l'âtre scintillent les braises d'un vieux feu qui n'attend que d'être ravivé, laissé ainsi pour éviter que le froid extérieur d'engouffre de trop dans la cheminée et viennent faire frissonner la couche de Maven. Déjà je repère une poignée de cachette possible, mais je suis certain qu'elle est plus intelligente que ça. - Qu'as-tu entendu exactement de notre conversation ? - Demandé-je à la Compagnon d'une voix feutrée. - Probablement trop. Peu importe. Je recherche des traces écrites, de la main de Maven ou des documents qu'elle aurait pu obtenir. Je doute qu'elle ait éparpillé ses secrets dans toute la pièce, donc on cherche une cache, peut-être deux. Il va nous falloir réétudier notre solution de sortie, mais pour le moment, nous avons un peu de temps devant nous. - Nous. La simple énonciation de ce mot me donne l'impression qu'une entité d'outre-monde a pris le contrôle de ma bouche. Si je ne risquais pas d'être obligé de fuir en vitesse sans rien découvrir au passage, je lui aurais probablement montré la porte. Travailler en équipe n'a jamais été mon fort, ni mon habitude, et voyager avec Effie est aussi nouveau qu'alien pour moi, alors ça... Ça le même arrière gout que les elfes sous l'académie de Fordhiver, à la différence qu'il n'y a pas de gamine dans nos pattes. Amadeus était une exception, avec une bonne raison. L'ombre solitaire de la Confrérie recouvre toujours mes habitudes et mes méthodes, suis-je seulement capable de m'en défaire ? - On trouve la cache, on s'empare des documents, et on décampe. Inutile de les consulter ici et de perdre du temps pour rien.

Pourquoi me fatiguer à te traquer alors que tu allais te montrer à un moment ou à un autre ? - La situation n'est pas idéale, mais elle n'a pas tort. J'aurais pu lui glisser une lame en travers de la gorge et être débarrassé. Une chance pour elle que je ne fasse plus ça aussi souvent qu'avant. Plus aussi librement, du moins. - Si on trouve au passage des choses compromettantes sur elle, ça me va. - Le problème avec Maven Roncenoir c'est que le plus difficile n'est pas de trouver les informations compromettantes, c'est de trouver quelqu'un qui n'est pas déjà dans sa poche, ou qu'elle ne pourra pas acheter ou manipuler pour s'en sortir. - Je me suis souvent dit que seule la Confrérie pourrait mettre fin à son influence, mais personne n'a jamais osé nous convoquer à son sujet. Encore ce "nous".. Je ne porte plus les couleurs de la Confrérie depuis des années. Cela dit, apprendre que la mercenaire ne porte pas Maven dans son cœur me rassure au moins un peu sur sa moralité. Elle peut mentir, bien sûr, mais je n'en relève aucun signe.

Attentif aux bruits provenant du couloir, je m'attèle à fouiller la chambre aussi discrètement que possible. La guerrière s'occupe des défauts dans les murs, des deux grandes armoires au bois sculpté. Je m'intéresse à la petite coiffeuse au grand miroir ovale, les boites à bijoux qui ont parfois un double fond, les tiroirs qui dissimulent un compartiment secret. Rien. Et rien non plus à l'intérieur des oreillers, sous le matelas ou sous le grand lit. J'allais soulever le tapis lorsque j'aperçois les montants du lit. La structure en baldaquin est constituée de quatre piliers de bois sculptés eux aussi de formes arrondies. Moi qui m'adonne à l'occasion à un art similaire, à bien moindre niveau, je sais reconnaitre l'exquise qualité de ce travail, mais également un infime défaut. Une ligne d'ombre presque invisible, qui aurait pu être la preuve d'un moulage s'il s'était agit d'un objet en métal. Une ligne si droite n'a rien à faire sur une sculpture en bois faites à la main. - Je crois que j'ai quelque chose. - Et effectivement, lorsque j'enserre le pilier, je sens un élément mobile. Il suffit d'une torsion pour découvrir que la partie centrale du pilier est une façade qui peut-être pivotée pour révéler un emplacement creusé, et plusieurs feuilles de papiers étroitement roulées ensemble. - Malin..

Les rouleaux rejoignent ma ceinture. Le pilier est remis en place. Des pas remontent le couloir. - Il est temps de filer. - De retour à la porte, j'attends que les pas s'éloignent dans l'autre sens et fait céder la serrure à nouveau. Pourtant, j'attends un instant. - Donne-moi un instant. Je vais nous libérer la voie. Si on peut éviter de s'attirer l'attention de toute la garde en étant repéré en partant.. Je refermerai derrière nous. - Toujours ce nous. Encore ce nous. J'entrouvre juste assez la porte pour pouvoir glisser un œil et repérer le dos du garde. Plutôt grand, les épaules larges mais le corps assez étroit, il marche déjà avec l'ennui d'un homme qui tourne en rond depuis des heures. Ma main brille d'une lueur rouge que mon regard transfère, et j'aperçois quelques infimes étincelles d'un même rouge danser autour des cheveux du garde. Sa tête s'enfonce un peu entre ses épaules. Sa silhouette toute entière parait se replier sur elle-même alors qu'il observe subitement quelque chose sur sa gauche. À ses oreilles, un courant d'air siffle quelques murmures indiscernables. À ses yeux, les ombres semblent dévorer tout doucement le couloir, de plus en plus dense, comme de grandes créatures qui allongent leurs griffes jusqu'à ses pieds. Une tension gagne sa nuque. Une sensation froide se répand dans ses entrailles. Une langue froide lèche son oreille.

Un sourire discret étire mes lèvres lorsque le garde, encore en pleine possession de sa dignité, s'esquive dans les escaliers menant au rez-de-chaussée, vaincu par le sortilège de peur. - Allez. - Soufflé-je aussitôt, laissant passer la guerrière avant de reverrouiller la porte en vitesse et la suivre le long du couloir jusqu'à la porte arrière que nous avons emprunté pour entrer. Dehors, il fait froid et humide. Dehors, il fait nuit noir et les brumes des marécages environnants étouffent quelque peu les torches allumées de la ville. Dehors après avoir évacué le terrain des Roncenoir et rejoint les ombres du cimetière, nous sommes libres et hors de danger. Et c'est maintenant, seuls et isolés, étrangers l'un à l'autre, que la véritable conversation peut commencer.

Artémis ne perd pas de temps et c'est à l'ombre des tombes qu'elle se présente. Elle confirme son statut de Compagnon, autant que de guerrière, et y ajoute son identité. Je pourrais m'en méfier, ne pas y croire, et d'une certaine manière c'est le cas. La confiance est un concept qui m'échappe souvent, aussi je remets tout en doute. Malgré tout il faut bien me caler sur quelque chose et jusqu'à preuve du contraire, elle n'a pas l'air de mentir. Ni de cacher quoi que ce soit. Elle en va jusqu'à expliquer la filature et j'esquisse un sourire en l'imaginant tomber sur Thrynn. Il aurait fort à parier que si ça arrivait, ce seront son choix à lui plutôt que l'inverse. - Ça m'arrangerait que tu le laisses tranquille. Il accomplit une tâche pour moi, j'ai besoin de son aide. - Voilà une chose que je ne dis pas souvent. - Libre à toi de débusquer les autres si ça te chante. S'ils te laissent approcher, c'est leur problème.

Distrait par les parchemins, je n'ajoute rien et délace le petit cordon qui les tiens. Les dérouler n'est pas compliqué. Réaliser qu'il y avait une petite capsule de vinaigre à l'intérieur, en revanche, c'est une autre histoire. - Non, non, non.. - Le vinaigre éclate, commence à dévorer le papier et l'encre qui y est incrustée. Vif, autant que possible, je déchire les parchemin afin d'endiguer la progression du liquide acide. La partie imbibée est perdue. Une bonne moitié de chaque parchemin qui constituait ce petit rouleau. - J'aurais dû y penser. - Craché-je envers ma propre bêtise. - Bien sûr que Maven a piégé ses précieuses preuves. - Parfois, j'aimerais ressentir l'urgence. Le cœur qui s'emballe, le souffle court, l'adrénaline qui brûle les veines.. Sauf que non. Même après ça, mon pouls danse sur la corde raide avec calme et agilité. Je me dis que si je pouvais céder au feu de l'urgence, ce serait une forme de punition.

Et puis mon regard accroche un nom, dans les lignes sauvées. J'en ai entendu d'autres fouiller à l'aveugle en disant qu'ils sauraient ce qu'ils cherchaient quand ils le trouverait. Ça ne m'est jamais arrivé, parce que je connaissais toujours mon objectif. En tout cas jusqu'à ce soir. - Et merde. - Jorn Vaalard, un nom familier pour l'avoir entendu mentionné plus d'une fois par Amadeus. Et qui est apparemment un loup-garou. Je lui donne le bout de parchemin afin qu'elle y observe la liste de trois noms, et l'ordre partiel de les mettre en cage, signé du seau de la Main d'Argent. - Est-ce que dans tes voyages, tu as appris l'existence d'un camp de la Main d'Argent, entre ici et Vendeaume ? J'ai besoin de retrouver l'un de ces hommes, vivant. Ce papier mentionne un camp temporaire, le temps de saisir ces hommes et les emmener à leur quartier général. Si je peux m'éviter la forteresse du Gibet...