Blood & Silver. || Ft. Artémis

On part quand ? - "On". Une maladie contagieuse. Un parasite. Un virus arcanique, mystique, divin ou peut-être même tout simplement biologique, qui s'insémine, s'insinue, s'infiltre et s'installe. Une infection contre laquelle les sortilèges de soin ne peuvent rien. Même le froid et la glace n'en ralentissent pas l'avancée, contrairement aux sabots qui s'enfoncent dans la neige. Si je ne crains pas plus le froid que n'importe quel homme au sang nordique du coin, je dois admettre que la température à mesure que nous avançons en direction de Vendeaume n'a rien de bien enviable. La cape close, la capuche sur la tête, j'ai le cul vissé sur ma selle avec l'étrange sensation qu'elle est faite de glace. Ou peut-être que c'est moi, le bloc de glace. Artémis chevauche à proximité, cheval procuré aux écuries de Faillaise, très généreusement. Je lui ai donné mon nom une fois en route. "On" est un virus très efficace.

Après notre petite escapade nocturne dans le fief de Maven Roncenoire, et la réalisation de ce que cette enquête impliquait désormais, soit que je n'étais plus seul, et qu'on s'éloignait drastiquement d'un exercice d'espionnage, j'ai retrouvé Thrynn. Naturellement, il n'avait encore rien découvert, mais les informations ont leur rythme propre. Je lui ai indiqué la direction prise, pourquoi, et surtout où envoyer ses trouvailles le cas échéant. Il s'est arrangé pour nous fournir un cheval supplémentaire. Oh, il ne m'en a rien dit. Lorsque nous sommes arrivés aux écuries pour récupérer mon canasson, un second attendait déjà, prêt à partir. Il me faudrait m'acquitter de cette dette un jour. Et j'ai déjà bien quelques idées.

Un claquement de doigts, étouffé par la brise. Juste assez fort pour que Artémis l'entende. D'un geste, je lui indique une lueur entre quelques arbres, si discrète que j'aurais pu la rater. Parmi les documents récupérés chez Maven, c'est la liste de quelques prisonniers de la Main d'argent qui a attiré notre attention. Moi, pour un nom bien précis dont il me serait profitable de retrouver le propriétaire. Elle... À vrai dire, elle est devenue aussitôt sérieuse et déterminée lorsque la Main d'argent a été mentionnée. J'ai beau savoir qu'une évidence m'échappe, ça ne m'aide pas à la dévoiler. Quoi qu'il en soit, les rumeurs d'un camp temporaire en marge de la route vers Vendeaume ont été notre fil d'ariane, jusqu'à enfin percevoir la lueur des flammes.

Avec un tel temps, les épais nuages gris et blancs, la neige qui chute sous nos yeux, on se croirait presque à la nuit alors qu'il ne s'agit que du milieu d'après midi. L'air de rien, voyageurs innocents, je me laisse redescendre au niveau d'Artémis et lui parle à mi-voix, au cas où le camp aurait des éclaireurs. - Je suis d'avis de dépasser cet endroit, laisser les chevaux plus loin, et revenir sur nos pas. C'est le seul camp à des centaines de mètres à la ronde. C'est forcément eux. - Sans une vie direct sur le camp, impossible d'en être certain. Tout autant que d'élaborer une meilleure stratégie. S'approcher en pleine vue serait trop risqué. La seule chose que je perçois d'ici, ce sont de nombreuses voix. Des gens qui parlent fort, comme pour combattre le froid. Je les imagine sans mal bouger, s'entrainer, tourner autour de quelques feux pour éviter de frissonner. Mais il y a également le pied d'une montagne derrière ces arbres, alors peut-être qu'ils ont investi une caverne, et que le feu n'est qu'une portion extérieure du camp ? Une avant-garde ? Impossible de le savoir sans approcher discrètement.

Je prends la tête. La nuit n'est pas un problème pour mes yeux d'elfes. - Un hochement de tête, et je ralentis mon cheval juste assez pour la laisser passer devant. J'ai beau l'habitude d'évoluer dans les ombres, avoir Azura sur mon épaule, voir dans le noir est un tout autre talent qui me fait cruellement défaut. Et cette fois, je n'ai pas de potion sur moi pour combler cette lacune.
Sans plus échanger un mot, laissant le froid et le vent faire la conversation, nous dépassons le camp et attachons les cheveux un peu plus loin. Assez loin pour ne pas qu'ils les entendent, mais pas au point de ne pas pouvoir les retrouver rapidement en cas d'urgence. De là, Artémis reprend la tête et nous guide discrètement dans l'autre direction, afin de rejoindre notre cible.

Je compte sur les talents que tu m'as laissé entrevoir s'ils nous repèrent. - Un nouveau hochement de tête. - Je ferais diversion. Les Compagnons sont très doués pour attirer l'attention. Et sans vouloir me vanter, c'est une de mes spécialités. - Attendons de voir si on aperçoit les prisonniers, déjà. Avec un peu de chance, ils seront à l'extérieur. - Ils n'y sont pas. Bien sûr qu'ils n'y sont pas. À l'approche du camp, je compte instinctivement les potentiels obstacles, vivants ou inertes. Pas de barrières, ils comptent sur les arbres et la petite falaise pour des frontières naturelles, ce qui n'est pas bête en soit.
Il y a un grand feu de bois en plein milieu de cette exiguë clairière, un abri où quelques chevaux jouent les statues, et un autre, couvert d'une tenture blanche, avec une table et quelques mannequins d'entrainement. La plupart des guerriers sont là, à l'abri du vent, mais certains profitent du feu. En tout, je compte sept personnes. Combien d'autres encore à l'intérieur, dans cette caverne dont j'aperçois la bouche ? Aucune moyen de le savoir à part en les observant pendant plusieurs jours, ce qui réduirait drastiquement la survie de Valaard. Nous n'avons pas été détecté jusqu'à présent. Une bonne chose, qu'on peut tourner à notre avantage.

Si tu peux les occuper, je peux m'infiltrer à l'intérieur et trouver ma cible. Je dois pouvoir éliminer les deux qui sont autour du feu, ils sont sur ma route. Les autres sont à toi. J'hésites entre l'action bruyante pour attirer les autres à l'extérieur, ou essayer de faire jouer leur petit confort contre eux, mais ça sous entendrait que tu disposes de ceux de dehors aussi discrètement que possible. Je suppose que l'un n'empêche pas l'autre. Je m'adapterai. - Un couteau de lancer apparait dans ma main, tiré d'une des lanières de mon armure de cuir. Mes yeux analysent le terrain et flèchent le chemin le plus court pour intégrer le camp, éliminer les deux guerriers du feu, et entrer dans la caverne. - J'attends ton signal. Dés que tu commences à frapper, je fonce.