[PLAGE] May I cream your back ?

L'anticipation joue sur mes nerfs et l'idée de rester coincé ne me plait guère, pourtant je suis curieux. Et si Brooks veut descendre, je sais être incapable de refuser. Pas pour lui, mais plutôt pour moi, qui me targue d'être un aventureux. Ne serait-ce pas stupide? Mensonger? - On plonge pour voir mais on n'y va pas ? - Deal. - Nous n'avons pas le temps de nous immerger totalement que l'eau elle-même décide de nous filer un coup de main non sollicité.

En moins de temps qu'il n'en faut pour le réaliser, la surface de la mer est loin au-dessus et nous nous engouffrons dans un tunnel d'eau aux mouvements presque trop doux. Je retiens ma respiration tout du long de peur de me noyer, mais à aucun moment je ne ressens la pression des poumons vide ou ce besoin d'inspirer. Tout ça ne dure que quelques secondes avant que le contact fluide laisse place au vide oxygéné. Une chute de quelques mètres dans un autre monde, mais sans douleur à l'arrivée. Une sensation de contact, comme on pose la main contre une vitre. Une véritable confusion des sens, surtout lorsque je réalise, en ouvrant les yeux, qu'il ne s'agit pas d'un sol ordinaire.

Muet, j'observe les miroirs s'élever un peu partout. Le sol, les murs, même le plafond, nous sommes dans une cage de reflets et nos images s'y répercutent à l'infini. Brooks a au moins l'avantage d'avoir l'air habillé, partiellement. Moi, je me sens nu et vulnérable. - Où est-ce qu'on est tombé, encore? - Fais-je, entre l'agacement et la curiosité. - Vu à quel point la transition était smooth, je pense que c'est pas un bug. C'est une feature. Donc y a forcément un truc à trouver...

Perdu, je suis son regard et aperçois la ligne blanche qu'il semble avoir remarqué. Un sillon? Quelque chose pour que l'eau passe? Ou autre chose? Ou peut-être que ça n'a rien à voir. Une chose est sûre, une jointure au milieu de ces miroirs ne peut pas être un hasard, alors je pose un genou à terre. - Get up. - Dis-je en levant le nez vers lui. - Monte sur mes épaules. Y'a rien d'autres pour prendre de la hauteur et tu es le plus léger de nous deux. Avec un peu de chance, tu verras quelque chose d'utile. - L'idée de sortir ne m'inquiète qu'à moitié. On sortira de là de toute façon, que ce soit en trouvant un véritable issue, ou par déshydratation.

T'es sûr que je vais pas te casser le dos ? - Le regard de profonde blase se répercute sur les milliers de reflets. La seule raison pour laquelle il pourrait me casser le dos c'est en y sautant dessus à pieds joints, plusieurs fois. Grimper sur mes épaules n'a rien de compliqué et j'ai les muscles pour tenir bon. Peut-être que hors de la simulation, ce serait une autre conversation, mais pas ici. Ici, je coince ses jambes sous mes bras, sens son bassin contre ma nuque et ses mains sur ma tête, et l'effort est supportable. - Focus. - Lui lancé-je à son commentaire sur mes genoux au sol. Pas que je sois dernier pour jouer de la langue, mais je me suis découvert une profonde aversion pour ces glitchs et autres labyrinthes.

Attends. Est-ce que tu peux aller vers la droite un peu ? Par là ! - Je suis ses indications malgré les miroirs menaçants. - Merde. J'étais persuadé d'avoir vu un truc rond, genre une tête !? - C'est rassurant, tiens. - Docile, je le laisse me guider mais mes grognements se font de plus en plus sonores à chaque fois que mes pieds, genoux ou même visage percutent l'un des miroirs. Heureusement, rien de cassé et pas une goutte de sang, mais je n'ai pas pour habitude d'être dirigé et certainement dans des murs, alors j'ai hâte d'en voir le bout. - Là ! C'est une corne ! La tête doit pas être loin. On dirait un minotaure...? - Mais peut-être pas ce bout-là.

... Minotaure? - De ma hauteur, même moindre par rapport à son point de vu, j'ai réalisé que les lignes jouent des reflets pour former leur dessin. Certaines sont sous nos pieds alors que d'autres sont dans les miroirs, reflétant certains angles de vu des lignes physiques que l'on peut toucher. Un jeu de miroir particulièrement complexe et intriguant, et déroutant, mais qui m'amène à autre chose. - Et si les lignes pointaient la suite? On a l'air d'être coincé dans un cube mais il y a peut-être une ouverture cachée et les lignes peuvent nous l'indiquer. - Observant la ligne entre mes orteils, je lève le nez vers lui. - Dans quel sens pointe la tête du Minotaure?

Elle est orientée par là ! Et le bout des cornes a l'air d'indiquer un point aussi. - Satisfait, mais surtout pressé de sortir de là, je suis ses indications et avance. Je n'y vais pas vite, de peur de me prendre un autre miroir, mais ma prudence n'a de bon que la surprise qui nous attend. Lorsque la salle se met à sauter, mon équilibre s'en retrouve fragilisé. Si j'étais allé plus vite nous serions tombés. Les miroirs disparaissent. La lumière s'atténue. Un couloir s'allonge vers une porte en bois. Toujours prudent, je laisse descendre Brooks de mes épaules et nos regards se croisent. Le silence est devenu étouffant et à tout moment je m'attends à voir les parois se réduire, des piques en sortir ou un minotaure apparaitre, mais non.

Brooks passe devant et je le suis, avisant nos arrières presque maladivement. La distance jusqu'à la porte ne grandit pas. Aucun effet d'optique ne nous torture. Je compte nos pas et les mètres défilent jusqu'à ce que le brun pose sa main sur la poignée. Lorsque la voix se manifeste, je sursaute bien peu virilement, non sans étouffer un grognement sourd. - Bordel... - Enigme résolue, tout comme la dernière fois. Brooks ouvre la porte pour révéler l'un des couloirs de la villa principale, le long duquel les portes s'enchainent. Au bout on aperçoit des silhouettes manger dans la cour extérieure. - On est revenus dans le centre... - Indélicat, je ne lui laisse qu'une seconde avant de l'attraper par le bassin et le pousser à travers l'ouverture. Aussitôt les pieds sur les dalles propres, la porte se referme dans notre dos. Je la rouvre par acquis de conscience, mais ne tombe que sur une chambre classique parmi tant d'autres, si ce n'est le couple entrain d'user les draps - Nice costumes. Carry on.

Le dos noué par le stress, les yeux encore habitués aux reflets infinis, je fais quelques pas dans le couloir. Détente et fun, voilà pourquoi je suis ici. Pas... ça. Je pince l'arrête de mon nez entre deux doigts. - Pourquoi est-ce que depuis que je t'ai rencontré, on se retrouve toujours dans ce genre de situation? - Demandé-je dans un demi sourire, à la fois pincé mais tout de même amusé au final. Un soupir m'échappe. - Way to kill the mood. - Et pas qu'un peu. - Je ne me sens pas de retourner à la plage après tout ça. - Dis-je sans détour. - Je crois que je vais juste... Ouais, je vais rentrer m'allonger. Je t'appelle demain.

Je ne voulais pas partir comme ça, pas si abruptement, mais je dois admettre que le besoin de calme et de solitude s'est fait plus pressent que prévu. Le besoin de stabilité, de normalité dans un monde malgré tout virtuel. Le besoin de me recentrer. J'ai dis rentrer m'allonger, j'ai marché pendant deux bonnes heures dans les rues de la ville avant de daigner rejoindre mon lit. J'avais besoin de me changer les idées, pas en bonne compagnie ou avec de bonnes liqueurs. Juste... seul. Seul avec mes pensées.