Books and curses. || ft. Effie

Le froid ankylose mon visage. Une vapeur opaque s'extirpe de mes lèvres et un flocon vient picoter le bout de mon nez. Voyager jusqu'à Aubétoile n'a pas été plus inconfortable que ça. Nous avons remonté la rivière sur la bateau de pèche de l'un des habitants de Morthal, ravis de se faire quelques pièces. Je doute qu'il gagne grand chose simplement avec les poissons maudits des eaux de ce coin-là. Graduellement, la neige a remplacé les marécages. Les arbres ont disparu au profit de la roche nue. Nous n'avons passé que quelques heures dans les anciennes terres de la Main noire, même si je n'ai pas pris le temps, ni le risque, d'aller voir la porte du refuge. Un nouveau bateau est loué, un peu plus cher cette fois. Le prix tient à l'abris construit sur son pont, et aux dangers que la mer gelée peut risquer. Et c'est sous le ciel auréolé de vagues colorées. La voute céleste est magnifique, se reflet dans l'eau de la côte Nord du pays lorsqu'elle n'est pas gelée.

Durant cette dernière nuit de voyage, en tout cas je l'espère, j'ai quitté l'abri chauffé pour profite de la vue et du froid revitalisant. Celui qui aide à réfléchir. Celui qui remet les idées en place. Une brise légère glisse à la surface de l'eau, soulève quelques pâles flocons et vient hanter mon dos. J'ai laissé les fourrures à l'intérieur, préfère l'engourdissement des basses températures. Elles ne me feront rien, mon sang de nordique m'en protège, quand bien même certains cracheraient sur mon métissage. Je fais quelques pas jusqu'à la proue du petit bateau, avise le ciel. Les genoux trouvent le bois si froid qu'il en est rendu de pierre. Mes yeux se ferment, et dans la pénombre de la nuit, surplombée par les lueurs célestes, soutenu par l'instabilité de l'eau, je tente une nouvelle fois de contacter Azura. je demande audience. Espère son conseil. J'ai déjà essayé durant ce voyage, discret, mais sans résultat. Ce soir, ma question est claire, solitaire. Le fragment vert qui alourdit ma poche fait-il parti de son étoile ?

Le bois craque. Ma concentration s'envole en éclat. Pas ce soir, je suppose...

Vous avez vu l'autel d'Azura? On dit que c'est les peaux grises qui l'ont construit. Peuh. - Mon regard trouve sans mal la massive silhouette au combien petite dans la distance, comme s'il était attiré par sa présence, comme une boussole qui trouve son Nord. Elle n'a pas besoin d'effigie. Elle n'en a jamais demandé, ou peut-être ne s'agit-il que de moi. Peut-être que c'est le rôle d'autre, de la vénérer. Ou peut-être que si je montais dans les hauteurs de ces montagnes, je trouverais mon destin, mais pourquoi ne pas m'y mener ? M'y guider ? Pourquoi me laisser aller et venir, m'assister plus que l'inverse ? Peut-être que notre capitaine de quelques nuits souhaitait trouver en moi une oreille compassionnée à ses plaintes sans fin ni fond, mais dans mon silence il se renfrogne. - On arrive bientôt. J'vous débarque sous l’académie. Feriez mieux d'en rester à l'écart, des fois qu'ils créent un nouveau ravage... - Peut-être. Peut-être pas. Même mon père voyait d'un œil quelque peu supérieur les elfes noirs et autres "fragiles qui ne peuvent faire autrement pour survivre" qui logent entre ces hauts murs et apprennent les arcanes. Une opinion qu'il ne m'a pas transmise, quand bien même la magie n'est pas la corde la plus solide de mon arc.

Nous descendons sur un ponton craquant au bois gelé par les températures si basses de la région. Les fourrures sont rendues à l'homme et nous nous éloignons vers Fortdhiver, vers la ville ou en tout cas ce qu'il en reste. Personne n'a pris le temps de reconstruire quoi que ce soit depuis le Ravage et c'est probablement ça que je trouve effarant. Je ne viens que rarement dans le coin, de toute façon. Il y a bien assez de travail pour un maraudeur comme moi sans avoir à me frotter à de tels frissons. - Bon. T'as un plan? On entre par la grande porte, ou tu préfère te faire discret? Sachant que plusieurs des mages, Faralda, Savos, Je ne sais pas si Drevis est encore là... me connaissent. J'étais élève en même temps qu'eux... Sinon, on peut essayer par l'hyposcole... Je me demande si Dulain est toujours coincé là ? - Les mains fourrées dans les poches, je chasse un frisson. Malgré un milieu de journée relativement calme, d'épais nuages obstruent constamment le ciel et les rayons d'un soleil qui n'aurait fait de mal à personne. On dirait que l'air stagne, mais je n'ai rien à y redire : il fait généralement un vent à mordre la chair. - La grande porte parait suffisante. Amadeus est là. Nous n'avons aucune raison de nous cacher, à moins qu'ils ne t'aient pas à la bonne ? Connaitre quelqu'un ne veut pas dire l'apprécier ou le tolérer. Je dois m'attendre à quelque chose, une fois là-bas ?

Dans sa longue vie, elle ne s'est certainement pas fait que des alliés, et si la plupart sont probablement morts depuis longtemps, les elfes ont la mémoire aussi longue que leur vie. Et la magie et encore plus vieille qu'eux. Pourquoi n'auraient-ils pas érigé quelques sortilèges pour la tenir à distance ? - Est-ce qu'ils ont quelque chose contre les vampires ? Je ne m'en suis jamais inquiété, maintenant que j'y pense. - À quelques dizaines de mètres, le grand point d'accès à l'académie se découpe dans les nuages de cristaux de glace. Nous venons tout juste d'atteindre et dépasser l'auberge dans laquelle je pressens un feu bien chaud et de quoi me remettre de ce voyage, mais le confort viendra plus tard. Je veux d'abord couvrir ce pourquoi nous sommes ici, peut-être ensuite parviendrais-je à me poser, et trouver un moment pour remettre dans son sac les pièces d'or que Effie a planqué dans mes affaires.

Le regard noir et le ton qui vient avec supplante les mots qu'elles prononcent, quand bien même je les entends également. Mes épaules se haussent malgré tout, sans porter une once de culpabilité. - Tu as eu une longue existence, Effie. Longue vie veut dire nombreuses rencontres, et personne ne peut honnêtement se targuer de ne se faire que des amis dans ce monde. - Il y a ceux qui ne laissent qu'une impression de sympathie, ceux qui mentent, et il y a ceux qui rencontrent simplement la mauvaise personne. Des gens incompatibles, impossibles ou trop brisés pour véritablement se lier. Personne n'est parfait, personne n'est accessible, et il suffit parfois d'un acte innocent pour se mettre à dos une entité silencieuse.

J'écoute ses explications, suis son indication du regard pour aviser le pont précaire, imagine les corps contrôlés sauter de ses remparts et aller à leur inexorable fin. - Très malin. - Marmonné-je en secouant la tête. Voilà qui mettrait en déroute la théorie de mon père. Si utiliser la magie est une question de survie, qu'y a-t-il de si élémentaire à tuer tant de gens ? - Est-ce que tu sais ce qui s'est passé ? Avec le Ravage ? - Demandé-je en passant dans l'ombre du premier pilier du point, comme une cabine de pierre suspendue. Le comportement suspicieux des autres élèves envers Effie ne me surprend pas, quand bien même il suggère un agacement sincère. Je sais avoir pour ainsi grandi avec une vampire dans la chambre voisine, je sais parfaitement être habitué à ce quotidien contrairement à la majorité endoctriné de haine et de peur, mais sont-ils incapables d'ouvrir leur esprit ? Offrir le bénéfice du doute ? Même les plus vieux êtres peuvent faire preuve d'une immaturité...

Avisant le symbole au sol, je fais un pas de côté. - Tu devrais passer devant. Je n'ai littéralement jamais mis les pieds au-delà de ces quelques marches. Je ne suis familier avec l'académie qu'à travers des histoires de rue et ce que toi et Amadeus m'en avez dit, mais je ne sais pas du tout comment elle fonctionne. Ni comment entreprendre ses membres. Il vaut peut-être mieux que tu t'en occupes... Et puis si on a besoin d'une escorte, on sera vite au courant. - En théorie, Amadeus est déjà sur place, mais ça ne garantit pas qu'il aura prévu notre visite. Ou "une" visite. Il est vrai qu'on n'avait pas défini d'une date de rencontre, ou d'un lieu, mais les arcanistes ont des moyens de transmettre des messages sans avoir ces informations là. Je ne m'inquiétais pas vraiment pour ça. Maintenant, je réalise qu'il aurait été utilise de s'en faire plus tôt.

Khelan, intéressé par la collection de l’arcaneum. - La lumière brille comme une petite étoile au-dessus du bas-relief. Une lueur discrète anime la pierre taillée, presque invisible mais mes yeux ne sont pas ceux des autres. Ils sont habitués à déceler le moindre détail. La moindre imperfection. La moindre faille. Ils sont entrainés, aiguisés et... Je vois la lueur. Là est bien toute la petite fierté que je peux m'octroyer, absolu novice arcanique sur le point d'entrer dans la cours des grands. Ce n'est pas dans mes habitudes de me sentir petit, dominé ou écrasé, et ce n'est pas vraiment ce qui se passe ici. Je sais juste quand je suis hors de ma zone de confort. L'académie n'a rien de confortable à mes yeux. Et mes yeux ne perçoivent pas immédiatement le changement de teinte dans la lueur, déjà tourné vers Effie qui reprend la parole. Mise en garde, énonciation des règles, un sourire grandit doucement sur mes lèvres. J'ai l'impression d'entendre mon introduction au sanctuaire de la Confrérie. - Je serais sage comme une image, tu as ma parole. - Alors nous nous engageons sur le pont, et je commence à me demander si ce type a vraiment poussé les étudiants au suicide, ou si le pont ne s'est pas tout simplement écroulé sous leurs pieds.

Pendant qu'Effie me raconte ce qu'elle sait du Ravage, c'est à dire pas grand chose, mon regard dérive vers l'océan de glace, vers l'avancée rocheuse contre lequel s'écrase les vagues lasses, comme ralenties par le froid. Un temple. - Difficile de prouver une intervention divine. Je suppose qu'il est plus rassurant de blâmer les mages que les dieux. Si on oublie que les dieux n'en ont probablement rien à faire, là où les mages pourraient chercher à se venger. - Réflexion en l'air plus que véritable hypothèse. Pourquoi viser ce temple ? De quelle divinité s'agissait-il ? Et si c'était le temps qui était la cible, pourquoi ravager la ville ? Dommages collatéraux, peut-être. Ou peut-être rien de tout ça. Peut-être s'agissait-il d'un simple fait naturel. Peut-être les mages y sont pour quelque chose. Peut-être s'agit-il de tout à la fois. - L’académie a probablement tenu grace au protections dont je t’ai parlé. Il y a surement d’autres causes, et le grand ravage est la conséquence de plusieurs problèmes, mais lesquels… - Enièmes mystères dont on ne connaitra jamais les détails. Accuser sans preuve n'est pas bien sage.

À mesure que nous avançons, les atronachs de foudre paraissent de plus en plus lumineux. Je les berce de méfiance, le regard fixe et déterminé quand bien même le corps suit une attitude plus douce et détendue. Rien ne vibre en moi. Pas d'alarme. Tout va bien. Les grilles s'ouvrent d'elles-mêmes, grincent d'une rouille salée, et nous entrons dans le périmètre de l'immense construction de pierre. Une énorme sphère de lumière occupe le centre de la coursive, déploie sur les corridors une lueur blafarde et les longues ombres des piliers concentriques. Effie me fait un rapide tour mental des lieux et je repère les portes et issues d'un simple coup d'œil. Déjà, une liste d'option se forme dans ma tête. Evasion. Fuite. Dangers. Tout y passe, jusqu'à apercevoir une silhouette dans une ombre. Effie aura eu tôt fait de sentir sa présence, probablement avant que je n'aperçoive la haute taille et les yeux émeraude qui reflètent la lumière. Son pas est presque aussi silencieux que le mien, mais même la démarche féline naturelle ne peut rivaliser avec mes atouts. Pas que je fasse le moindre effort à cet instant, mais mes bottes ont leur propre volonté.

De l'ombre émerge un grand Khajiit au pelage gris zébré de noir. Les épaules larges, la mâchoire carrée et les yeux comme deux pierres vertes aux pupilles faites de néant. L'une de ses oreilles est ornée de deux anneaux en or. L'ombre du sommeil plane encore sur son visage. Il porte une robe de mage couleur sable et je ne peux m'empêcher de le détailler du regard. Le dévorer. - Khelan ? - Dit-il d'une voix étonnamment profonde. Mon regard trouve le sien et j'acquiesce presque imperceptiblement. - On m'a averti de votre arrivée. Je... Amadeus m'a parlé de ce qui vous amène. Il a dû quitter l'académie pour explorer une piste mais je l'aide dans ses recherches. - J'échange un regard avec Effie, surpris, quoi que je n'en laisse rien paraitre. Le mage, pourtant, est plus observateur que la moyenne. - Il m'a prévenu que vous seriez méfiant. Il m'a dit de mentionner le croissant de lune ? - Mon visage se ferme. Immédiatement, j'ai la sensation que ma peau frotte un peu contre le tissu usé que je porte sous mon armure, sous mon bras. Il s'agit d'une cicatrice, vestige du passage d'un couteau entre deux côtes. La première blessure que Amadeus a dû soigner après notre rencontre. Un mouvement de tête vers Effie, signe que Jo'Raksa n'invente rien. En tout cas, pour le moment. Il a beau être un beau chat, il en faudra plus pour que je lui fasse confiance. - Je peux vous guider jusqu'à l'Arcaneum, vous raconter ce qu'on a trouvé jusqu'à présent. À moins que vous ayez besoin de vous reposer ? Le trajet jusqu'ici n'a probablement pas été calme. - On pourra se reposer plus tard. - Dans ce cas... - Et il nous invite à le suivre à travers la coursive. - Je m'appelle Jo'Raksa, au fait. Mais Amadeus ne m'a jamais parlé d'une troisième personne.

Adepte en altération. Bientôt expert. Venez par ici. Je dois dire que les recherches auxquelles Amadeus m'a convié sont des plus étranges. Une malédiction, hmm ? - Quelque chose comme ça. - Réponds-je vaguement, loin d'être un expert sur le sujet entre ces murs, et probablement loin d'en savoir autant que l'un de ceux qui ont étudié le livre, mais les habitudes ont la vie dure. Et elles la maintiennent, cette vie. La vérité c'est que je ne sais pas à qui j'ai à faire, quand bien même il m'a prouvé en savoir suffisamment sur Amadeus pour lui donner le bénéfice du doute. Comme des ombres dans la nuit, nous traversons la coursive baignée de cette lumière blanche ondulante et entrons dans le bâtiment principal de l'académie. L'immense porte grince en se refermant et si j'aperçois au-delà du hall une vaste salle circulaire, c'est à travers une série de marches que Jo'raska nous entraine.

Khelan a dit qu'c'était un vieux livre. Je me demande si Gorge salée aimerait le lire. Vous connaissez Amadeus depuis vos études ? - Un antique livre même, et vu ce que Amadeus m'a raconté, je doute que quiconque aimerait vraiment en tourner les pages. Mais oui, Amadeus et moi avons été formé ici ensemble. J'ai simplement préféré poursuivre une vie plus académique là où il a choisi de voyager et arpenter les routes de Bordeciel. Mon temps viendra, lorsque j'en aurais fini ici. - Exploque-t-il de cette fois grave et chaude. Il ne relève pas la mention de ce Gorge salée et je jette un œil à Effie pour savoir si elle espérait le piéger ou si c'était innocent. À son attitude, il a eu l'air de croire à une connaissance commune dont il n'avait jamais fait la rencontre, et peut-être est-ce honnête de sa part.

En haut des marches, il pousse une porte et nous invite à entrer dans une vaste salle haute de plafond. Des colonnes de pierre en maintiennent la voute, archée jusqu'à une pointe centrale au-dessus de centaines et centaines de livres. Gros et petits. Noirs, bruns, colorés. Epais ou fins. Des tables et des chaises sont disposées ci et là pour les étudiants qui, certainement, foulent les pierres de cette grande bibliothèque dans la journée. - Je vous suggèrerais d'être discrets. Le vieil Urag n'apprécie pas le bruit dans sa bibliothèque, et il ne s'accord que quelques heures de sommeil pour s'assurer que personne ne vient y mettre le désordre. Autant ne pas le réveiller. - Et entre nous trois, je doute que l'indiscrétion soit un problème.

Le pas étouffé par le cuir, je suis Jo'Raska le long d'un corridor sur la gauche et une alcôve éclairée de quelques bougies et d'une lumière chaude sans source visible. Il nous invite à nous installer à une table et dépose une petite sacoche à ingrédients entre nous. - Amadeus m'a fait promettre de ne jamais me séparer du livre, et de le cacher aux autres autant que possible. Nos recherches ne sont pas véritablement un secret, mais il lui semblait important de rester discrets alors... - Sa main passe au-dessus de la sacoche et, dans un clignement et un discret éclat d'une lumière sablonneuse, le livre est là, en lieu et place du petit sac. Et aussitôt, une sale impression me tord l'estomac. Le vieil ouvrage a beau être ficelée d'une corde noire pour être certain qu'il ne s'ouvre pas par accident, le souvenir de cette dimension de poche est encore trop vif dans mon esprit.

Il m'a brièvement raconté ce que vous avez vécu là-bas. Il était important que j'ai toutes les informations pour mieux appréhender nos recherches. Nous n'avons pas encore réussi à identifier l'entité qui était enfermée là-bas, mais on a au moins pu confirmer vos suspicions. Le livre est un portail, ou du moins il sert de point de transfert. Ouvrir le livre revient à ouvrir le passage et être automatiquement aspiré. Je ne sais pas qui vous a instruit de vérifier à l'intérieur, mais il savait forcément ce qu'il faisait. - Un sujet pour un autre jour... - Commenté-je entre mes dents, vengeance empoisonnée qui se formule dans l'avenir. Mon employeur a des réponses à donner et je compte bien le retrouver pour lui poser mes questions. - Bien sûr. On a aussi confirmé le double tranchant de cette prison. Libérer le prisonnier fait prisonnier à son tour le libérateur. Une façon plutôt créative de prévenir un sauvetage... Je suppose que les personnes derrière un tel système n'ont pas pensé que ses conditions se perdraient dans le temps. Si vous n'étiez pas parvenu à sortir de là, nous n'aurions jamais su que quelque chose était sorti de cette cage. Comment avez-vous fait, d'ailleurs ? Amadeus n'a pas voulu m'en dire plus, mais si vous êtes parvenus à vous échapper, ça pourrait nous aider à... - Un sujet pour un autre jour. - Répété-je plus clairement cette fois. - Hm.. Y a-t-il quelque chose que vous pouvez me dire aujourd'hui, dans ce cas ? Que je ne me sois pas levé en pleine nuit pour enfoncer des portes ouvertes. - J'ai beau comprendre son agacement, ses questions me mettent mal à l'aise. Probablement pour cette même raison que Amadeus ne lui a pas tout dit. Il savait que ces sujets sont trop personnels pour être discuté à ma place. - Est-ce qu'il y a quelque chose de nouveau qui mérite d'être ajouté à nos données ?

Vampire ?! - Un long soupir m'échappe. De part et d'autre de la table, deux poids deux mesures s'élèvent. Le fracas de sa chaise, le sort de barrière qui projette une lueur blanc glacé. Mon soupir las et les paupières qui se ferment alors que mon pouce et mon index pincent l'arête de mon nez. Effie contre la peur reflexe de Jo'raska par une froide neutralité. - Vous allez réveiller Urag. Et vous croyez pas qu'on a plus important la ? - Le livre trouve place sur la table et je lui suis du regard, comme je l'ai fait depuis qu'elle l'a ramassé. Elle n'en a pas touché la ficelle, seule raison pour laquelle je n'ai pas fait le moindre geste. Jo'Raska se rassoit, la chaise tirée vers l'autre côté de la table, juste assez pour mettre de la distance mais pas au point que ce soit exagéré. - Est-ce que c'est assez intéressant pour interrompre votre nuit de sommeil ? - On avait pas besoin d'en rajouter. - Dis-je plus à l'attention de Effie qu'autre chose, conscient qu'elle savait parfaitement ce qu'elle faisait en révélant un tel détail. - Et je me passe de ce genre de perte de temps. Votre académie n'aurait pas ouvert ses portes s'il y avait un risque, si ? - Il hésite, puis secoue négativement la tête. - Dans ce cas, contrôlez-vous et passons à la suite.

La vérité c'est que même si les grilles se sont ouvertes, Effie pourrait le déguster sur place et personne n'aurait le temps de rien y faire. À part moi, peut-être. Mais si j'ai remarqué dans la posture du Khajiit un reflexe souple, expert, je peine à en placer l'origine. Une chose est certaine, il n'est pas un maladroit ou un nerveux par nature. S'il a ainsi réagit au vampirisme, c'est qu'il y a une histoire bien précise derrière. Tout autant que derrière la souplesse de ses gestes ou l'anneau d'or pendu à son oreille. - Hmm.. Extraire une âme d'une personne défunte n'a rien d'extraordinaire en soit. Qu'un Deadroth y parvienne est surprenant, ces créatures sont notoirement barbares, avec une intelligence limitée, mais des exceptions existent. En revanche, ne pas avoir trouvé une gemme quelconque est étonnant. - La peur du cauchemar qu'incarne Effie recule et disparait dans les grands yeux du chat noir, remplacée par les archives de sa mémoire. - Où sont allées ces âmes si elles ne sont pas restées là ? Est-ce qu'il a eu l'air de les absorber ? - Non. Celle qu'on a vu s'est envolée au-dessus de lui pour disparaitre dans un flash. - Normalement, elle aurait dû être aspirée par la gemme, comme on aspire de la fumée. - Sa voix devient un souffle, un murmure grave, et il se relève d'un bond.

Cette fois, la chaise ne bascule pas. Il disparait par l'une des arches de pierres et durant son absence, l'oreille aux aguets, je fixe le livre avec insistance. Son souvenir était frais dans ma mémoire, net, et je réalise à quel point il était gravé en moi. Je me souviens de chaque détail de sa couverture violette chaque accroc, chaque remous de son cuir. La ficelle noire autour de sa tranche parait insuffisante, mais tant qu'il ne s'ouvre pas, je suppose que tout va bien. Rien ne vibre dans mon crâne, n'alerte d'un danger. Ou peut-être Azura en a-t-elle eu assez de me superviser. - J'ai survolé ce tome il y a des années. Je me suis spécialisé en magie d'Altération mais j'ai également développé un intérêt en Restauration. - Les âmes ne devraient pas tomber dans une toute autre école de magie ? - Si, mais dans ce cas précis, je pense à un rituel assez bancal qui prend racine dans un entre deux dérangeant. - Il feuillette quelques pages puis poser le livre ouvert sur la table, à côté de l'autre. J'y observe symboles et cercles remplis de traits et formes géométriques qui n'ont aucun sens à mes yeux. - Il s'agit d'un rituel de renforcement. Il a été développé il y a des lustres par un mage ayant perdu ses forces. La raison n'est mentionnée, mais l'homme avait été drainé de son essence vitale au point d'être incapable de la reforger lui-même avec le repos ou la magie habituelle. Alors il a développé ce rituel, afin d'absorber l'essence des âmes sacrifiées, et regagner ses forces. - Mes sourcils se froncent. Je n'aime pas du tout ce que j'entends. - Il n'y a pas besoin de gemme. L'hôte devient le réceptacle, et il peut puiser dans ce pouvoir à volonté puisque contrairement à une gemme, qui ne fait que contenir l'âme comme une coupe d'eau que l'on consomme, le corps de l'hôte permet à l'âme de continue de vivre, d'une certaine façon. Il entretient cette énergie au point de la rendre infinie. - Il tourne une page, puis une autre. Quelques autres dessins. Un peu de texte. Mes yeux courent sur les lignes noires avant un air de réalisation. - Le rituel est complexe, étonnant qu'un Deadroth en soit capable. Le mage a été arrêté, bien sûr. Et exécuté à six reprises. La sixième a été la bonne. Et le rituel a été banni. Il est consigné ici par intérêt académique. Juste assez d'information pour renseigner sans permettre de le reproduire. Cela dit, je sais qu'il n'est pas possible de le réaliser sans... - Je jette un regard à Effie, et tire la perle verte de ma poche. - ... deux perles planaires. - Ses yeux s'arrondissent face à la gemme entre mes doigts. - Oh... - Souffle-t-il alors, pris dans la même réalisation qui m'a frappé quelques secondes auparavant.