Books and curses. || ft. Effie

A quoi bon torturer des gens pour rallonger sa vie...? - Ce livre ne fait que décrire le rituel d'un point de vu académique. Il ne traite pas des motivations du mage en question. - Je préfère ne jamais douter de la capacité de cruauté des hommes, ça évite des surprises. Mais je suppose qu'avec la magie, tout est possible. Ce gars là n'avait peut-être pas d'autres alternatives ? - Difficile d'imaginer ce qui pourrait causer de telles restrictions, mais oui, tout est possible. - Je laisse un instant dériver mon esprit sur les possibilités et hypothèses, les éventualités que mon imaginaire néophyte peut déceler. Aucune idée n'est agréable à considérer.

Qui a dit que le rituel est adapté pour le Daedra ? - Réfléchis-je à haute voix en me redressant sur ma chaise. - Une chose si cruelle, pourquoi ce ne serait pas plutôt l'inverse ? Le rituel aurait une origine daedrique, et il aurait été transmis à ce mage, ou il l'aurait volé ou copié d'une façon ou d'une autre. - Jo'Raska fronce les sourcils, étudie les symboles dessinés par Effie et les compare à son tour aux dessins du livre. - Pour ce qui est de la perle... Il faudrait quelqu'un pour ouvrir le livre et aller l'y placer, c'est un trop grand risque. Je ne sacrifierais personne sur une simple hypothèse. Cette créature est là dehors et on a besoin de tout le monde. - Mes coudes s'appuient sur la table. Mon regard bondit entre les feuilles de papier et l'air concentré du Khajiit. - Et je préfèrerais savoir à qui ou quoi on a à faire avant d'essayer de le trouver. Plutôt que de s'attirer trop tôt son attention. - Mieux vaut agir dans l'ombre, ne se révéler que lorsqu'on a l'avantage. Reflexe d'assassin. L'entrainement d'une patience efficace et sage, pour mieux faire couler le sang.

Hmm... - La voix grave de Jo'Raska vibre dans l'air. - Avec cette copie, je peux peut-être en savoir plus. Je peux relier les symboles et signes similaires voire identiques. Avec les bonnes recherches, je dois pouvoir identifier les différences entre mortel et daedrique, et peut-être identifier le destinataire des âmes. La perle planaire permet le transfert, et probablement qu'elles sont liées entre elles, mais peut-être que les symboles comportent également une façon de nommer la créature. Ou du moins d'en découvrir plus à son sujet. Mais s'il se renforce pour chaque âme volée... - Il secoue la tête, chasse quelques pensées parasites. - Ça va demander du temps, cela dit. Plus que nous en avons ce soir. Et je suis d'accord. Il est certainement possible de localiser l'autre perle à travers celle-ci, mais il y a de grandes chances que cette tentative soit à double tranchant, et à double sens. Et il y a des façons de camoufler ces choses-là, mais sans en savoir plus sur la créature, il est plus sage de ne pas faire de vague. - Pas plus que tuer son sbire et interrompre son rituel... - Marmonné-je entre mes dents. - Pas plus que nécessaire.

Jo'Raska se passe une main sur le visage dans un long soupir, observe le livre-prison, l'ouvrage arcanique et les graffitis d'Effie avant de se laisser tomber sur sa chaise. - Et en attendant... Vous pouvez vous reposer ici, si vous le souhaitez. Les chambres d'apprentis du niveau inférieur sont actuellement vides. Sinon, vous pouvez certainement obtenir des chambres à l'auberge de la ville. - Il passe sa main sur le livre-prison et en un clignement, il redevient une sacoche sans le moindre attrait. - Enfin, ceux qui ont besoin de dormir. - L'autre ouvrage est refermé dans un claquement, le bout de papier roulé en un rouleau serré. - Je vais essayer de débusquer un début de piste. Je vous ferais prévenir lorsque j'aurais des nouvelles. Et je suppose qu'Amadeus vous alertera de son retour ou de ses trouvailles, quand il réapparaitra.

Avoir été arrêté pour une quelconque raison n'est pas une justification suffisante pour être catapulté dans une dimension de poche, et certainement pas une telle que celle-là. Criminel ne veut pas dire monstre et les chapelleries l'oublient parfois. - Combien de voleur par dépit ? De meurtre ? Tous les condamnés à mort ne sont pas nécessairement dignes du billot. Et si moi le premier j'y ai échappé, pourquoi d'autres moins coupables devraient subir pire encore que la mort ?

Je pense qu'il faudrait aussi sceller la perle avant qu'il ne l'utilise pour nous trouver. Je pense savoir où sont les livres nécessaires. Et niveau conseils l'augure de dunlain vit toujours dans l'hyposcole ? On peut lui demander, non ? - Si vous voulez perdre votre temps. - Répond distraitement Jo'Raska en se levant de sa chaise. - Un vieux mage réduit à l'état d'énergie par une expérience ratée, par pur ego et fierté mal placée. Je n'y offrirais pas grand crédit. - L'augure inconnu à mon bataillon, je réponds plutôt à ce qu'elle disait initialement. - Si tu peux sceller la perle, je pense aussi que ce serait utile pour le moment. Et on peut aller voir ton augure ensuite, si tu penses qu'il peut être utile. - J'observe le livre redevenir sacoche avec une certaine méfiance, non pas pour l'illusion mais ce qu'elle dissimule. Maintenant que je sais où trouver ce satané livre, je peine à le quitter des yeux. - Dormir peu encore attendre quelques heures. - La nuit a beau être bien avancée, nous n'avons pas fait grand chose sur ce bateau aussi puis-je me permettre un écart. Il me faudra me reposer, mais j'ai encore assez de marge avant de m'effondrer.

Etranger dans cette foret de textes et connaissances, coupe vide, cervelle alien, je reste assis et immobile comme si j'allais casser quelque chose. - Je ne sais pas bien à quoi je peux être utile. - Dis-je à Effie pendant que Jo'Raska s'éloigne vers ses propres étagères. - Je vais rester là le temps que tu rassembles le nécessaire, à moins que tu ais besoin d'aide pour atteindre les étagères les plus hautes ? - Plaisanterie jetée en l'air, je croise les bras dans un demi sourire fatiguée. Je sais parfaitement qu'elle n'a pas besoin d'aide.

__–Ouiiiii, l’aventure avec ma maman ! Ça fait trooop méga longtemps que j’avais envie de partir avec elle ! Parce que, elle m’a déjà raconté plein de trucs hein, toutes ses batailles et puis ses missions et puis toutes ces créatures qu’elle a combattu, du coup depuis que je suis encore plus petite j’ai envie d’aller avec elle. Au début, notre aventure hors d’Alinor, c’était… bah c’était un peu nul, quoi. Enfin, on allait juste d’un village miteux à un autre, puis il fait super méga giga froid dans ce pays ! Mais là, c’est plus pareil.
__–Ma maman, elle m’a expliqué que on devait trouver un ancien collègue à elle : un certain Ancano. Bon après je crois pas que ma maman elle l’aime bien et qu’elle veuille le rencontrer parce qu’ils sont amis. Elle m’a dit que c’était un « arrogant insupportable, qui mérite le tiers du quart de ce qu’il possède, mais est persuadé d’être un grand seigneur qui a sa place à une autre table que celle des porcs. » Je crois que c’est méchant. Et je crois qu’elle va lui faire beaucoup de méchancetés quand elle va le retrouver. T’façons, c’est un Thalmor et ma maman m’a expliqué : les Thalmor ils sont raison et ce sont eux les gentils, mais il faut quand-même ne pas du tout leur faire confiance et puis je crois bien qu’ils ont tendance à disparaître en poussière bleue quand ma maman elle en croise. J’ai pas très bien compris, je crois que ça fait de nous des méchants… Mais c’est pas possible d’abord, ma maman ça peut pas être une méchante parce que c’est la meilleure maman du monde.
__–Elle m’a dit que pour trouver Ancano, il fallait qu’on infiltre l’Académie de Fordhiver… Elle m’a expliqué que, ce gros tas de pierres tout moche et tout froid là, c’était leur fierté, aux mages de Bordeciel. Ben moi je dis qu’ils doivent pas être si forts que ça, s’ils vivent dans un truc qui ressemble à une prison toute cassée plutôt qu’à un palais super joli ! Mais elle m’a expliqué que c’était dangereux d’y aller par la porte d’entrée, alors elle m’a emmené par un chemin avec beaucoup de neige et qui était très pentu jusqu’à une entrée secrète ! Je crois qu’elle l’a découverte parce que ça fait une semaine qu’on est à Fortdhiver et qu’elle parle à beaucoup de gens et puis qu’elle a passé ses journées à chercher d’entrée. Enfin, qu’on parle à beaucoup de gens et qu’elle a passé ses journées à chercher l’entrée ! Bon d’accord, moi j’étais surtout collée à elle pendant qu’elle parlait, ou à boire du lait au miel sur une table, ou à jouer à chat avec un atronach de glace que ma maman elle invoquait pour que personne il me fasse du mal pendant qu’elle cherchait les pierres.
__–Mais du coup là elle trouvé !
__–Au début, ça faisait peur, parce que c’était tout sombre, puis ça puait, puis il y avait des os de plein de trucs… Et puis j’avais envie de toucher à rien parce que tout avait l’air super sale et puis il y avait des araignées partout je suis sûre ! Mais bon ma maman me tenait la main donc ça allait.
__–Par contre, on a vite compris que c’était super méga labyrinthique ! Alors ma maman, elle m’a demandé de sortir un papier et un crayon et de faire un plan, puis elle m’a aidé à lancer un sort de boule lumineuse pour que je puisse y voir. La mienne elle est encore toute petite, mais ça me rassurait et c’était assez pour voir. Puis on a aussi enlevé nos manteaux chauds. On était encore en tenue, euh… bah de gens du commun quoi, pour pas attirer l’attention, mais en vrai je les aime bien parce qu’ils sont confortables ! Et puis t’façons ma maman elle a plein de bijoux magiques qui sont tellement chargés d’enchantements que moi je peux pas les porter sinon j’ai mal à la tête.
__–On a avancé un peu comme ça, puis à un croisement, ma maman elle m’a dit d’attendre là, parce qu’elle avait vu un monstre… Moi j’avais trop envie de voir ma maman se battre, mais je sais aussi que c’est dangereux, alors j’ai éteint la boule, je me suis roulée en boule dans un coin et j’ai attendu. Et j’ai entendu plein de tonnerre ! Ça a résonné dans les couloirs. Ma maman elle dit que, quand elle lance sa foudre, le son est tellement fort qu’il glace le sang de tous les autres ennemis et que souvent ils fuient.
__–Et puis elle est venue me voir, elle s’est penchée sur moi et elle m’a demandé si j’allais bien et je lui ai dit que oui ça allait, mais je lui ai chuchoté à l’oreille qu’il y avait des formes bizarres dans la faible lumière derrière elle et je l’ai serrée dans mes bras… Alors elle s’est levée, a pris ma main et avec l’autre, elle a chargé un sort de foudre qui crépitait méga fort :
__–« Révélez-vous, ou mourrez. »

Tu as une bourse vide ? juste en papier ça ne tiendra jamais... - Je dois pouvoir te trouver ça. - Et pendant qu'elle guide notre route, je fouille mon sac en quête d'une vieille pièce de cuir. J'y retrouve une vieille bourse vide à la ficelle tâchée de sang, piquée sur un cadavre. Le cuir comme la ficelle auraient pu me servir de pièces de réparation pour mon armure ou même mon sac, elles serviront à ça.
Je dois admettre ma déception. L'hyposcole sonnait comme un lieu étrange et mystique, important et ancien. Ancien il l'est. Le reste.. Pas vraiment. De vieux murs, des pierres écroulées, de la poussière et des toiles d'araignées un peu partout. Aussitôt en bas de quelques marches, j'aperçois des ossements humains. Un squelette pas même entier. - Tu penserais qu'ils auraient un sort pour nettoyer leur propre cave... - Grogné-je à voix basse, sagement dans le sillage d'Effie. Les lumières magiques contre les murs projettent une lueur bleutée spectrale et discrète, largement suffisante pour mes yeux habitués à la pénombre.

Il a beau régner un certain froid, dans les entrailles de l'académie, le vent glaciel n'entre pas et l'air stagnant est plus aisément supportable que les vastes cieux gelés du nord du pays. Quelques couloirs nous mènent à notre destination. Une table d'enchantement, des portes majoritairement scellées par le temps et les intempéries, et une devant laquelle Effie s'arrête. - Eh bien... Au moins l'autel est utilisable. Et ce sera plus discret que les ateliers des tours. Si tu veux te poser, avec un peu de chance mon lit est toujours en bon état. - J'acquiesce en silence, plus accoutumé à avoir les lèvres scellées que la langue pendue. Pendant qu'elle s'installe, je fais le tour des autres portes, m'assure qu'elles sont bien bloquées. L'autre seule porte fonctionnels renferme une chambre vide, un lit renversé au bois si sec qu'il pourrait se briser comme de l'ardoise. Il y a un encrier renversé dont le contenu s'est imprégné dans le bureau, du papier étalé par terre, déchiré, tâché, délavé. Si quelque chose y était inscrit, c'est illisible depuis longtemps.

Satisfait des environs, je repasse en silence derrière Effie, ne jetant qu'un bref coup d'œil curieux à son travail, avant de m'inviter dans son ancienne chambre. Un lit collé contre le mur du fond, couvert d'un drap blanc. Un bureau où trônent quelques livres poussiéreux. Des étagères encore suspendues au mur portent quelques enveloppes au sceau déchiré que je laisse à leur éternelle attente. Un livre à la couverture violette, un carnet brun aux pages jaunis, le reflet de fioles sous le lit que je ne dérange pas. Je ne suis pas chez moi. La pièce n'est pas bien grande, amplement suffisante pour une seule personne dont on attend qu'elle planche à son bureau ou dorme dans ce petit lit. La porte laissée entrouverte, je déplace le drap avec précaution pour révéler un lit encore en bon état. En tout cas en bien meilleur état que certaines couches occupées sur la route par la force des circonstances. Je laisse tomber mon sac au pied du bureau, m'assoit sur les vieilles couvertures, dos au mur, face à la porte. Laisse mes oreilles faire le travail.

Il y a quelque chose de fascinant à ces vieilles structures. Lorsqu'on écoute assez bien, on peut percevoir le grouillement de petites créatures, le grincement de la pierre, le sifflement d'un courant d'air ou les gouttes las et froide d'une glace qui fond à la chaleur d'un air malgré tout frigorifiant. Effie doit entendre ces bruits sans le moindre effort. Il me faut profiter du silence pour les absorber. Mes yeux se ferment. Je gratte la discrète brûlure des symboles sous mon armure. Bien des jours se sont écoulés depuis mon évasion du livre-prison, depuis l'intervention si vive d'Azura. Je ne devrais pas m'étonner que ces nouveaux symboles prennent plus de temps à s'apaiser. Le temps file. Chaque goutte marque une nouvelle minute, dix minutes, quarante, une heure. Je perds le fil, les aléas du silence et d'un ciel invisible au travers de la roche. J'entends seulement Effie travailler dans un recoin de mon esprit, à moitié endormi, à moitié attentif. Un état second, une transe de surface. Une vibration dans mon esprit. Une enfant aux yeux verts et aux oreilles en pointe. Du sang. De la poussière bleue. Une âme soulevée dans les airs. Une énergie étirée et écartelée. Un grognement. Des yeux aux milles fentes noires. Un cri. Une alarme.

Le réveil me fauche comme une gifle de vent. Quelque chose se passe. Quelque chose va se passer. Un bruit du tonnerre remonte en écho le long des pierres et je bondis sur mes pieds. Mes pas ne produisent aucun bruit, les bottes en action, l'entrainement jusqu'au bout des doigts, et lorsque je traverse la porte à nouveau, les ombres m'avalent tout entier. Je sais que Effie peut percevoir les battements de mon cœur, aussi je ne m'embarrasse pas à l'alerter de mes mouvements et m'avance dans les ombres, invisible, en amont dans le couloir. À l'autre bout, une silhouette marquée par une lumière crépitante. Je discerne également une forme plus petite dans son ombre, loin de pouvoir pour le moment définir les détails de leurs personnes. Tout ce que je sais, c'est que je suis plus efficace dans la discrétion. J'aurais tôt fait de me retrouver dans leur dos. Effie devra accaparer leur attention pour le moment. Et en tant que seule entité visible, elle l'a déjà.

__–Ooooooh mais c’est un enfant !
__–« Regarde maman, c’est un petit garçon ! Salut toi ! »
__–Alors du coup bah comme je pensais vraiment pas voir quelqu’un de mon âge ici, j’avance pour lui dire bonjour mais ma maman pose sa main sur mon épaule et elle m’arrête. Puis elle la regarde looongtemps avec sa tête sévère qu’elle fait quand quelqu’un dit une méga grosse bêtise, puis elle soupire et elle ferme son autre main et la foudre disparaît. Puis à la place, elle lance une boule de lumière parce qu’on y voir rien ici, même si c’est pas giga noir.
__–« Ce n’est en tout cas pas la place d’un novice. Il ne me semblait pas que l’académie en prenait si jeunes. »
__–Ah, maman se passe sa main sur son visage. Ça, c’est quand on l’ennuie. Alors elle cherche dans ses poches et elle en sort dix septims.
__–« Ou plutôt d’un voleur, vu ta tenue… Les tréfonds obscurs d’une académie de sorciers ne sont pas un endroit recommandable pour quelqu’un de ton âge et tout ce que tu trouveras à voler pourra s’avérer trop dangereux pour toi. Prends ça, va t’acheter à manger et ignore que tu nous a vus. Tu veux aller les lui remettre ?
__–– Oh oui ! »
__–Alors elle met les pièces dans ma main et je vais voir le garçon pour les lui donner. Je lui montre les pièces dans mes deux paumes avec un grand sourire :
__–« Tiens ! Puis désolée si on t’a fait peur hein. »

Le pas léger, le son étouffé, je repère les pierres qui ne bougeront pas sous mon poids et me déplace sans un son. L'air bouge tout juste autour de moi et lorsque la boule de foudre laisse place à une étoile rayonnante, je me tapis sur le côté pour m'assurer de la couverture des ombres. J'en connais les coins et recoins, les limites et atouts. Je sais pouvoir disparaitre en plein jour, alors un peu de lumière dans un couloir souterrain sombre ne m'inquiète pas.

Désormais, cependant, je suis apte à détailler les intruses. Une femme et une gamine, deux elfes aux cheveux blancs. Des vêtements plein d'accrocs, amples et confortables, pourtant l'adulte se tient bien droite. Le menton haut, le regard qui baigne toute la zone d'une attitude supérieure, assurée. Menaçante ? La gamine traverse la distance, quelques pièces en main, et je profite du bruit de ses pas pour placer les miens et terminer ma route dans le dos de l'adulte. Derrière elles, créatures carbonisées et tas de poussière bleutée. Je ne sais pas quelle saloperie a croisé sa route, mais il n'en reste plus grand chose, et ce qu'il en reste est encore fumant. La foudre dans sa main, l'explication s'induit toute seule.

Patient, attentif, j'attends que la gamine soit face à Effie, face à la vampire dissimulée, face à la chasseuse experte et sa poigne de fer avant de faire quoi que ce soit. Elles n'ont à l'évidence rien à faire ici. Nous en avons un droit lointain, mais l'académie n'est pas plus mon foyer que mon école, qu'ai-je à faire d'une voleuse et sa jeune acolyte ? Grand bien lui en fasse d'avoir le culot ou l'assurance de se trouver ici sans y avoir été invité. Les murs de cet endroit regorgent de secrets et menaces que même ses éclairs ne pourraient pourfendre. Si elle veut prendre le risque, qui suis-je pour l'en empêcher ? Je n'apprécie simplement pas d'être menacé par quelqu'un qui n'est pas moralement en position de nous juger. Certes, ce n'est qu'une façon de nous faire partir, mais puisque nous n'en avons pas terminé... - Je pense que nous n'irons nulle part, mais merci du conseil.

Les ombres me relâchent dans le dos de l'elfe, pas assez près pour recevoir un coude ou une botte, juste assez que pour ma voix remonte le long de son échine. Juste assez pour être en capacité de dévier son bras si elle décidait d'agiter ses éclairs à nouveau. - Et puisque vous n'avez pas plus l'air d'avoir votre place dans ces souterrains, peut-être que l'on peut tomber d'accord sur le fait de mener nos vies en toute liberté sans avoir à se menacer l'un l'autre ? - Un couteau de lancer trône dans ma main. Elle a peut-être l'éclair agile, mais je suis aussi vif qu'une lame avec ces choses-là. Un simple respect du status quo, quand l'enfant elfe se trouve aussi à portée des crocs d'Effie si le besoin d'une seconde dose de menace se ferait sentir.

__–Oh ! Y’a un monsieur qui a l’air pas sympa du tout qui est apparu ! Il me fait peur et ma maman est loin et en plus elle est à côté du danger alors je me cramponne au garçon (il a l’air vachement moins méchant lui). Par contre ma maman elle a pas peur du tout :
__–« Choisissez vos prochains gestes avec grand soin, assassin. Si vous ne me tuez pas sur le coup, ce sera sur cette dernière erreur que vous vous présenterez devant les dieux. La raison de notre présence ici, sur cela nous sommes d’accord, n’a rien à voir avec la vôtre. Les menaces sont inutiles, quand on est sûr de cela. »
__–Elle regarde le garçon droit dans les yeux :
__–« Et vous semblez connaître ce… ce lieu mieux que nous. Lingell, lâche-le, s’il te plaît, ne vas pas trop l’ennuyer.
__–– D’accord… Pardon toi. »
__–Alors bah je lâche l’autre enfant et je lui tends la main. En vrai elle est bien sa tenue hein ! Mais bon bah, elle ressemble un peu à celles d’espions ou de voleurs ou d’assassins ou de gens comme ça dans les histoires ou que j’ai déjà vu à la cour discuter avec des nobles qui leur donnaient des missions et après ils allaient faire des trucs que j’ai jamais su ce que c’était parce que je suis trop jeune. Par contre c’est pas possible d’être un assassin ou un truc comme ça quand on est aussi jeune ! Mais peut-être que c’est parce qu’elle est avec son papa et que lui, il ressemble beaucoup plus à quelqu’un comme ça.
__–Puis bon ben oui hein, j’ai bien compris que le monsieur il était dangereux, mais si ça ce trouve c’est son papa et il se promène avec son fils, du coup il va pas non plus se lancer dans un combat parce que ce serait trop dangereux parce qu’on est là. C’est pour ça que ma maman elle me demande toujours de me cacher quand elle affronte des monstres, parce que bah ça arrive de prendre un coup par accident.
__–« C’est ton papa ? Et pourquoi vous êtes ici d’abord ? Enfin tu me l’as dit mais c’est quoi l’intérêt d’aller voir une boule de lumière qui parle, elle sait des trucs importants ? Oh, si ça ce trouve, elle pourra nous aider aussi ! Tu veux bien nous aider diiiis ? En échange on vous aide vous hein ! Parce que maman elle est super forte, si t’as peur des trolls, elle peut les vaincre sans problème, je l’ai déjà vu faire !
__–– Lingell, tes manières.
__–– Oui, pardon… Je m’appelle Lingell du coup, elle c’est ma maman, Lingriel Elsinphar !
__–– Vous avez déjà entendu ces noms si vous vous intéressez à l’histoire de Tamriel.
__–– Et vous c’est commeeeeent ? »

Effie en dit trop à mon gout. Ces deux-là n'ont pas besoin de savoir où nous nous rendons, quand bien même le lieu exact ne fait pas partie de ses paroles. Elles n'ont pas besoin de savoir que l'on recherche un mage réduit à éclat de lumière. Peut-être ai-je cette impression parce que je sais qu'elle ne ment pas, mais si cette femme est au courant de l'existence de l'augure, elle saura également que ce n'est pas du bluff. Nous ne les connaissons pas, et quelques secondes auparavant, un éclair crépitait dans sa main. Qui sait ce qu'elles sont réellement en train de faire ici ? J'ai appris à ne pas me fier aux apparences. Plus rien ne me surprend, à ce stade. - Les seules menaces énoncées sont sorties de votre bouche. Et si j'avais voulu vous tuer, ce serait déjà fait. - Dis-je en réponse, ayant jusque là fait l'effort de rester neutre, quoi que sur une défensive légitime.

La gamine parle beaucoup. La mère la contrôle tout juste. Peut-être se sent-elle en confiance. Peut-être n'est-ce qu'une façade. Effie ne la retient pas mais je la sais assez rapide pour s'en saisir, si le besoin s'en faisait ressentir. - C'est sans importance. - Réponds-je directement à la jeune elfe qui s'enquiert de nos noms. Il n'y a pas plus d'hostilité dans ma voix qu'une affabilité gratuite. Neutre et calculateur, attentif. Je n'ai aucun attrait pour les enfants et la seule raison pour laquelle je voyage avec Effie, c'est parce qu'elle n'en a que l'apparence. Et certaines attitudes, par moment, mais je n'ai pas encore établit s'il s'agit d'un jeu d'acteur ou la réminiscence de ce qu'elle était jadis.
Leurs noms ne me disent absolument rien, et ça n'a pas plus d'importance. Un nom seul n'a aucun poids. Il n'a de valeur que la taille de ses bourses, la couleur de ses lames ou la main noire au dos de sa page.

Je recule d'un pas, glisse mon couteau dans son emplacement. Me désarmer pour la forme est une chose, mais je préfère conserver une distance correcte afin d'éviter une quelconque attaque. - Ces lieux n'ont aucune tendresse pour les intrus. Peu importe la raison de votre présence, vous devriez rebrousser chemin. À moins que la mort soit une perspective acceptable ? - Ce n'est pas une menace. C'est une question. Parce que si mourir ici est moins grave à ses yeux que vivre dehors, leurs motivations sont peut-être dignes des nôtres.